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stupides genre autruches, hippopotames, serpents Ă sonnette, bichons maltais, musaraignes (rien de trĂšs excitant). La classe 4, ce sont les animaux douĂ©s de conscience, fourmis, rats (trĂšs. difficiles Ă gĂ©rer) ou humains. Quand on travaille sur les humains, au dĂ©but, on commence. par Ćuvrer sur des individus isolĂ©s.
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halloweenchat noir en perle de rocaille Technique des animaux en perles - technique beaded animals tuto sandales en perles de rocaille Page 7/27. Read PDF Animaux En Perles De Rocaille Mes animaux en perle de rocaille du mois daout 2019Activité pour enfants: Coccinelle en perles de rocaille Croix en Perles de Rocaille Mes animaux en perle de rocaille du mois
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J'aime J ai des petits trucs pour toi tu peux aller sur faire comme moi des recherche sur en tapant perlerie.... bizz bientot J'aime En rĂ©ponse Ă nath20071411 VoilĂ ! de Histoire de de perles liens anglophones contenant de superbes crĂ©ations site avec des modĂšles gratuits http/ ... site sur les cabochons, grandes variĂ©tĂ©s site japonais essentiellement sur les bagues collier tissĂ© ... aliceluliby ... marieperles ... palaisdeperles/ ... palaisdeperles/ ... perlesenchantees/ ... rocaillesmagiques au pays magique des perles de rocailles nuancier swarosky http/ ... http/ ... http/ ... http/ ... http/ ... 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Sur tanais, la vente est au dĂ©tail, frais de port gratuits Ă partir de 50 eurosJe suis Ă©galement intĂ©ressĂ©e par d'autres adresses, ce serait sympa si vous pouviez me communiquer celles que vous avez pu recevoir, mon adresse est christine095 le livre cristaligne2 et peux Ă©ventuellement envoyer quelques pages en fichier joint...CordialementChristine J'aime En rĂ©ponse Ă smail_1251795 Sites avec patronsBonjour,Voici deux adresses oĂč on trouve quelques patrons et sites de vente Ă©galement. J'ai commandĂ© sur aussi, les prix sont interessants mais les quantitĂ©s Ă commander importantes. 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Ceci m'est trĂ©s urgent si vous pouvez me les envoyer rapidement je vous en serais trĂ©s reconnaissante .Par avance MERci; J'aime En rĂ©ponse Ă smail_1251795 Sites avec patronsBonjour,Voici deux adresses oĂč on trouve quelques patrons et sites de vente Ă©galement. J'ai commandĂ© sur aussi, les prix sont interessants mais les quantitĂ©s Ă commander importantes. Sur tanais, la vente est au dĂ©tail, frais de port gratuits Ă partir de 50 eurosJe suis Ă©galement intĂ©ressĂ©e par d'autres adresses, ce serait sympa si vous pouviez me communiquer celles que vous avez pu recevoir, mon adresse est christine095 le livre cristaligne2 et peux Ă©ventuellement envoyer quelques pages en fichier joint...CordialementChristineE-perle a fuir !!Personnellement, j'ai fait une commande sur e-perle, et je n'en ferai pas perles Ă©taient loin de la qualitĂ© souhaitĂ©e. Le responsable ne me recontacte qu'apres 3 mails de relence et un message sur son repondeur. En gros, il refuse de me rembourser, et souhaite juste faire un echange dans un premier temps. Ensuite, puisque je refuse, il me dit qu'il n'a pas reçu mes mails, puis qu'il y a repondu mais que mon antivirus les a supprimĂ©s antispam, qu'il ne fait pas!, ensuite, il me dit que je n'est pas de preuve de date de reception de ma commande, et donc pas de maoyen de ma faire rembourser heureusement que les lettres suivies de La Poste ont un code barre.Il fini par me dire qu'il refusera mon retour de marchandise avec bref, une mauvaise foi et une fumisterie que l'on ne trouve ; Fuyez J'aime En rĂ©ponse Ă arieh_1246310 Une aideje cherche une technique pour faire une croix avec des perles .merci d' en perles de swarobonjour j'ai une façon pour faire une croix enperles de swaro superbe mais je fais comment pour te l'envoyer ? Ă plus J'aime Un site J'ai testĂ© les perles viennent d'albi, envoi rapide et trĂšs soignĂ©Biz J'aime schĂ©mas et des perles en cristal de BohĂȘmes J'aime Vous ne trouvez pas votre rĂ©ponse ? En rĂ©ponse Ă smail_1251795 Sites avec patronsBonjour,Voici deux adresses oĂč on trouve quelques patrons et sites de vente Ă©galement. J'ai commandĂ© sur aussi, les prix sont interessants mais les quantitĂ©s Ă commander importantes. 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J'aime En rĂ©ponse Ă mahaud_1339892 Site non valideBonjour !!Pourrais-tu me donner l'adresse exacte de ton 'fournisseur' introuvĂ©e sur le net !!! ... le web connait pas !!Merci d'avance !!!RĂ©ponse perlesmon fournisseur est Madame FAUCHER 72 Les portes de l'ArdĂšche 30130 Pont Saint Espritelle propose les frais de port gratuis si 30 euros de 4mm SWAROVSKI Ă 0,08 euros 39 couleursPeridot - Crystal- Lt Rose-Jonquil-Aquamarine-Indian Sapphir-Padparadscha-Rubis-Jet-Rose-Topaze-Garmet-Chrysolite-Blue Zircon-Amethyst-Violet-Fire Opale- Lt Sappir-Alexandrite-Erinite-Lt Amethyste-Fuchia-EmeraldTanzanite-Capri Blue-Lt Olivine- Lt Topaze-Citrine-Montana- Black Diamond-Sapphire-Lt Siam- Lt Colorado Topaze- Indian Red-Shdow Crystal- Turquoise- Violet Opale-Smoked Topazevoici pour les toupies simples vous pouvez lui Ă©crire J'aime Voici Ă©galementl'adresse de mon site suis tous les jours sur la discut des perleuses de ce forum si vous avez des questions Bizes. J'aime Schema coeur swarovskiHello ! Merci Ă toutes pour ces adresses ! Je suis Ă la recherche du patron pour faire un coeur plein en toupie de swarovski... Quelqu'un l'aurait s'il vous plait ??? Il semblait exister sur le site asdiffusion, mais, ce site n'existe plus... Pouvez vous m'aider s'il vous plait. Vous remerciant d'avance, je vous souhaite un trĂšs bon weekend !Bizzzzzsweetval J'aime En rĂ©ponse Ă goshen_1338583 Achat de perlesbonjour,Je viens de m'inscrire sur ce site et je vous donne une adresse ou vous pouvez acheter des toupies et des facettes Ă des prix compĂ©titifs,les frais de port sont gratuit Ă partir de 30,00euros d' site est trĂšs sĂ©rieuse et rapidefacettes Ă 0,04euros piĂšce et 28 couleurstoupies Ă 0,08 euros piĂšce et 28 ""toupies AB Ă 0,09 euros piĂšce et 14 couleursje suis trĂšs satisfaite de ce des parlesje n'arrive pas Ă rentrer dans ce site ????????merci de m'indiquer comment faire J'aime Site interesentVoici un site qui offre des schĂ©ma gratuit je sais pas si sa t'ira. ... ... J'aime N'avez vous jamais pensĂ© ?BonjourJe debute dans l'apprentissage de la fabrication de bijoux en je constate qu'il n'y a que des modĂšles pour les vous jamais pensĂ© aux hommes? Existe-t-il des modĂšles pour hommes? Si oui, ou puis-je trouver les schĂ©ma?Merci d'avance J'aime Moije n'ai pas de patrons, car normalement strictement interdit, mais si ça t'intĂ©resse pour comparer les prix, je vends des perles. C'est sur ... J'aime En rĂ©ponse Ă goshen_1338583 RĂ©ponse perlesmon fournisseur est Madame FAUCHER 72 Les portes de l'ArdĂšche 30130 Pont Saint Espritelle propose les frais de port gratuis si 30 euros de 4mm SWAROVSKI Ă 0,08 euros 39 couleursPeridot - Crystal- Lt Rose-Jonquil-Aquamarine-Indian Sapphir-Padparadscha-Rubis-Jet-Rose-Topaze-Garmet-Chrysolite-Blue Zircon-Amethyst-Violet-Fire Opale- Lt Sappir-Alexandrite-Erinite-Lt Amethyste-Fuchia-EmeraldTanzanite-Capri Blue-Lt Olivine- Lt Topaze-Citrine-Montana- Black Diamond-Sapphire-Lt Siam- Lt Colorado Topaze- Indian Red-Shdow Crystal- Turquoise- Violet Opale-Smoked Topazevoici pour les toupies simples vous pouvez lui Ă©crirePerles oĂč?????comment aller sur ce ... afin d'acheter?????, J'aime En rĂ©ponse Ă goshen_1338583 Achat de perlesbonjour,Je viens de m'inscrire sur ce site et je vous donne une adresse ou vous pouvez acheter des toupies et des facettes Ă des prix compĂ©titifs,les frais de port sont gratuit Ă partir de 30,00euros d' site est trĂšs sĂ©rieuse et rapidefacettes Ă 0,04euros piĂšce et 28 couleurstoupies Ă 0,08 euros piĂšce et 28 ""toupies AB Ă 0,09 euros piĂšce et 14 couleursje suis trĂšs satisfaite de ce est-cecomment faire pour entrer sur ce ... merci pour ta rĂ©ponse rapide merci J'aime
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Voici, dans le dĂ©sordre, quelques idĂ©es de sujets qui me semblent pouvoir faire lâobjet dâune interrogation Ă lâoral du concours. Il va de soi quâelles nâengagent que moi, et que certains sujets sont plus probables que dâautres. Jâen ajouterai peut-ĂȘtre sâil mâen passe par la tĂȘte. Rois et reines dans les contes Les incipit des contes Les dĂ©nouements des contes Les registres de langue dans les contes FrĂšres et sĆurs dans les contes PĂšres et mĂšres dans les contes Enfants et parents dans les contes Les Ăąges de la vie dans les contes La femme dans les contes Lâenfant dans les contes Les animaux dans les contes La nature dans les contes Les couleurs dans les contes1 Morale et moralitĂ©s dans les contes Le peuple et les grands dans les contes La politique dans les contes Guerre et paix dans les contes Le temps passĂ© dans les contes Le rire et le burlesque, le comique, la satire, etc. dans les contes Vivre et survivre ou manger et ĂȘtre mangĂ© dans les contes La figure de lâauteur dans les contes Le dĂ©cor des contes Le théùtre des contes La sociĂ©tĂ© dans les contes La mode dans les contes Lâesprit moderne dans les contes Amour et sexualitĂ© dans les contes Le bien et le mal ou âles bons et les mĂ©chantsâ dans les contes Les fĂ©es dans les contes2 Voyage et voyageurs dans les contes ou dâautres sujets autour de la question de lâinitiation et de parcours initiatiques Les demeures des contes Il y a quelques annĂ©es, le jury avait proposĂ© âLes couleurs dans lâEducation sentimentaleâ⊠[â©] Un billet est consacrĂ© Ă cette question dans le prĂ©sent carnet. [â©] Composition française â AgrĂ©gation 2022 â Perrault/Aulnoy Raymonde Robert Ă©crit dans Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France de la fin du XVIIe Ă la fin du XVIIIe siĂšcle [1982], Paris, Champion, 2002, p. 403 âLa vieille formule du theatrum mundi par laquelle le Moyen-Ăge avait prĂ©tendu dĂ©noncer le jeu des apparences, des illusions et des vanitĂ©s mondaines, se trouve totalement retournĂ©e Ă lâĂ©poque qui nous occupe ; bien loin de concevoir le monde comme théùtre pour le dĂ©prĂ©cier, câest dans le théùtre, dans des dĂ©cors Ă©largis aux dimensions de leur univers clos et privilĂ©giĂ©, que le groupe des mondains prĂ©tendra dĂ©sormais inscrire le monde tout entier. Plus question dĂšs lors dâapprĂ©hender le spectaculaire comme une duperie dĂ©tournant de lâessentiel ; câest lui qui est devenu le fondement mĂȘme de toutes les valeurs.â Quelles rĂ©flexions vous inspire ce jugement ? ___________________________________ Raymonde Robert raconte dans la prĂ©face de son livre comment, pendant ses Ă©tudes, elle a dĂ©couvert par hasard les quarante volumes du Cabinet des FĂ©es, imposant recueil encyclopĂ©dique des contes de fĂ©es français, Ă©ditĂ© Ă la veille de la RĂ©volution par le chevalier de Mayer. Sa thĂšse paraĂźt pour la premiĂšre fois en 1982 aux Presses de Nancy, sous le titre Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France de la fin du XVIIe Ă la fin du XVIIIe siĂšcle. Avec Jacques Barchilon, elle est la premiĂšre spĂ©cialiste Ă considĂ©rer le genre du conte de fĂ©es dans sa chronologie sĂ©culaire longue 1690-1789 alors quâauparavant, les chercheurs se concentraient sur la seule figure de Perrault, ou au mieux mettaient en Ă©vidence la premiĂšre phase de la grande mode des contes de fĂ©es 1685-1700, selon la chronologie de Storer1. âThéùtre du mondeâ on peut sâattendre dâun AgrĂ©gatif quâil connaisse le sens de ce thĂšme certes mĂ©diĂ©val, mais qui remonte en rĂ©alitĂ© Ă lâ On en trouve les prĂ©mices dans lâallĂ©gorie de la Caverne platonicienne La RĂ©publique, livre X, puis le motif apparaĂźt plus prĂ©cisĂ©ment chez les les StoĂŻciens, EpictĂšte et SĂ©nĂšque ces philosophes recommandent de bien savoir jouer sa vie, comme un acteur doit bien jouer son rĂŽle. Lâimage du théùtre du monde est aussi employĂ©e par les PĂšres de lâEglise, pour dĂ©noncer le mensonge et les grimaces de notre existence âla vie entiĂšre du genre humain nâest quâun mime, le mime de la tentationâ saint Augustin, Commentaires sur les psaumes, 127, 15. Les PĂšres condamnaient les spectacles, mais ils recouraient volontiers au motif du théùtre pour condamner les mĆurs. Le théùtre servait alors Ă dĂ©noncer le jeu des apparences, lâhypocrisie, la comĂ©die sociale, lâillusion gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Ce vieux topos, dotĂ© depuis longtemps dâune histoire complexe et dâune profonde polysĂ©mie, connut une vogue sans prĂ©cĂ©dent Ă lâĂ©poque dite âbaroqueâ fin XVIe-dĂ©but XVIIe Shakespeare avait ainsi repris au fronton du globe une formule inspirĂ©e par PĂ©trone, Totus mundus agit histrionem, littĂ©ralement âle monde entier joue la comĂ©dieâ. Selon ce paradigme vite devenu stĂ©rĂ©otypique Ă travers toute lâEurope, le monde est un jeu dâapparences, une comĂ©die oĂč chacun joue un rĂŽle. âAll the worldâs a stage, And all the men and women merely playersâ, dĂ©clare Jaques dans As you like it. En Espagne, au milieu du XVIIe siĂšcle, Calderon Ă©crit une sorte de mystĂšre allĂ©gorique intitulĂ© El gran teatro del mundo. La France nâest pas en reste on songe Ă LâIllusion comique de Corneille, par exemple 1635. Mais le thĂšme nâest pas seulement le propre des hommes de théùtre qui exaltent leur art comme le mieux Ă mĂȘme dâembrasser la complexitĂ© du monde et de la sociĂ©tĂ© il est aussi cher aux moralistes qui, dans le sillage dâAugustin et des PĂšres de lâĂ©glise, y voient de leur cĂŽtĂ© un instrument hermĂ©neutique propre Ă condamner le siĂšcle. Affirmer que le monde est un théùtre revient alors Ă dĂ©clarer quâil est illusoire, inauthentique, vain, plaisant aux yeux mais dĂ©pourvu de profondeur. Montaigne, prĂ©dĂ©cesseur des moralistes du XVIIe siĂšcle, considĂšre ainsi quâ âil faut ĂŽter le masque aussi bien des choses, que des personnesâ Essais, I, 19. Chez Pascal, la vie est une tragĂ©die âLe dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comĂ©die en tout le reste on jette enfin de la terre sur la tĂȘte, et en voilĂ pour jamaisâ Les PensĂ©es sont publiĂ©es en 1670. Les chrĂ©tiens les plus fervents aiment Ă opposer au théùtre du monde et Ă ses plaisirs Ă©phĂ©mĂšres des vĂ©ritĂ©s plus solides, une rĂ©alitĂ© plus essentielle seule la vie sous le regard de Dieu offre lâauthenticitĂ© et la stabilitĂ© Ă laquelle ils aspirent. Ces auteurs prennent volontiers pour cible la cour, concentrĂ© de mensonge, de brigue, et de tromperie, qui leur apparaĂźt comme le microcosme de la comĂ©die humaine tout entiĂšre. En 1642, le port-royaliste Arnauld dâAndilly Ă©crivait ainsi dans les Stances sur diverses vĂ©ritĂ©s chrĂ©tiennes rééditĂ©es jusquâĂ la fin du siĂšcle Veux-tu voir une scĂšne en merveilles fĂ©conde ? ConsidĂšre la cour. Câest lĂ quâĂ tous moments Agissent les ressorts de ces grands mouvements Qui font changer de face au théùtre du monde Câest lĂ que tout excelle en lâart des fictions Câest lĂ que lâintĂ©rĂȘt rĂšgle les passions ; Câest lĂ que du malheur lâinsolence se joue ; Câest lĂ quâĂ la Fortune on dresse des autels ; Et que lâambition, pour monter sur sa roue, Fait les plus grands flatteurs des plus grands des mortels. Câest sur la cour que convergent les critiques, comme Ă©pitomĂ© des vices brigues, mensonges, hypocrisie, paroles biaisĂ©es ; la cour incarne les mauvais cĂŽtĂ©s du théùtre. En 1678, dans La Princesse de ClĂšves, Madame de Chartres dĂ©clare Ă sa fille âSi vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, dit Mme de Chartres Ă sa fille, vous serez souvent trompĂ©e ce qui paraĂźt nâest presque jamais la vĂ©ritĂ©â. La BruyĂšre, exact contemporain des conteurs, dĂ©nonce plus nettement encore la cour en lâassimilant Ă un théùtre Dans cent ans le monde subsistera encore en son entier ce sera le mĂȘme théùtre et les mĂȘmes dĂ©corations, ce ne seront plus les mĂȘmes acteurs. Tout ce qui se rĂ©jouit sur une grĂące reçue, ou ce qui sâattriste et se dĂ©sespĂšre sur un refus, tous auront disparu de dessus la scĂšne. Il sâavance dĂ©jĂ sur le théùtre dâautres hommes qui vont jouer dans une mĂȘme piĂšce les mĂȘmes rĂŽles ; ils sâĂ©vanouiront Ă leur tour ; et ceux qui ne sont pas encore, un jour ne seront plus de nouveaux acteurs ont pris leur place. Quel fond Ă faire sur un personnage de comĂ©die ! La BruyĂšre, Les CaractĂšres, âDe la Courâ, 99, 5e Ă©dition. Le théùtre du monde nâest ainsi pas seulement un thĂšme mĂ©diĂ©val ou âbaroqueâ il remonte Ă un passĂ© trĂšs reculĂ©, et reste vivace bien aprĂšs le milieu du XVIIe siĂšcle. Le motif nâen reste pas moins ambigu utilisĂ© par les moralistes, hĂ©ritiers de la tradition des PĂšres et si lâon veut du Moyen-Ăge, le theatrum mundi sert, comme lâĂ©crit Raymonde Robert, Ă âdĂ©noncer le jeu des apparences, des illusions et des vanitĂ©s mondainesâ mais les dramaturges de lâĂąge baroque ont montrĂ© quâil Ă©tait possible dâinverser le stĂ©rĂ©otype eux-mĂȘmes reprennent le vieux thĂšme pour le âretournerâ et suggĂ©rer que si le monde est un théùtre, le théùtre vaut bien le monde, car au fond tout nâest que jeu dâapparences et dâillusions. Ces jeux de miroirs sont le principe de ces âprofondeurs de lâapparenceâ que dĂ©celait Claude-Gilbert Dubois dans son livre sur le baroque 1973. Si, Ă en croire R. Robert ce quâil faudra vĂ©rifier les contes sâĂ©cartent du theatrum mundi des moralistes, ils se rapprochent du âthéùtre du mondeâ exaltĂ© par les dramaturges, qui voit dans la scĂšne un microcosme, raccourci du monde tout entier. Ainsi Shakespeare qui, dans Henri V, fait surgir âtous les milliers de casques qui Ă©pouvantĂšrent le ciel dâAzincourtâ dans âle petit O de boisâ que constitue la scĂšne de son théùtre, Le Globe. Sâagissant de Perrault et Madame dâAulnoy, la question du theatrum mundi sâimpose comme une Ă©vidence, dans la mesure oĂč les contes au programme sont traversĂ©s par une théùtralitĂ© omniprĂ©sente. De quelque cĂŽtĂ© quâon les considĂšre, ils sont dominĂ©s par le spectaculaire prodiges des fĂ©es, chars merveilleux conçus comme des machines dâopĂ©ra, Ă©pisodes bucoliques Ă©crits comme des pastorales dramatiques, costumes de scĂšne, Ă©tiquette, artifices de toute sorte, et jusquâĂ lâĂ©vocation du théùtre et de lâopĂ©ra mis en abyme au coeur mĂȘme du texte. DâoĂč la question que nous pose Raymonde Robert quel est le statut de cette théùtralitĂ© ? Lâautrice de la citation considĂšre que les contes constituent une cĂ©lĂ©bration de la théùtralitĂ© comme paradigme idĂ©alisĂ© pour penser un monde qui ne sâĂ©tend guĂšre au-delĂ des limites des salons prĂ©cieux. Les contes seraient un théùtre qui reflĂ©terait, pour lâexalter, ce microcosme mondain soumis Ă des codes eux-mĂȘmes rĂ©gis par un fonctionnement de type théùtral luxe des dĂ©cors, Ă©tiquettes, rĂ©gulation stricte de la parole, esthĂ©tisation des rapports sociaux, etc.. Cette rĂ©flexion en miroir et cette limitation du cadre rĂ©fĂ©rentiel sont renforcĂ©es dans le texte de Raymonde Robert par lâantithĂšse entre Ă©largissement et clĂŽture le cosmos âtout entierâ des conteuses et conteurs, mĂȘme âĂ©largiâ nâexcĂšde pas les frontiĂšres des beaux quartiers parisiens peuplĂ© de dames Ă©lĂ©gantes et de leurs galants cavaliers â une sociĂ©tĂ© bien fermĂ©e dâaristocrates dĂ©sĆuvrĂ©s Ă©chappant aux rudes contraintes du temps. Dans cette phrase, toutefois, Raymonde Robert ne borne pas son jugement Ă Madame dâAulnoy et Ă Perrault elle considĂšre le phĂ©nomĂšne dans son ensemble. Nos deux auteurs restent des Ă©crivains du XVIIe et siĂšcle Ă ce titre encore influencĂ©s par la tradition morale si vivace Ă lâĂ©poque oĂč ils composaient les contes sâagissant de ces textes prĂ©cisĂ©ment, le thĂšme du théùtre du monde comme manifestation du jeu de dupe quâest la comĂ©die humaine est-elle nĂ©cessairement complĂštement invalide ? Le théùtre nâest-il dans nos Ćuvres que lâoccasion dâexalter lâart de vivre aristocratique et moderne ? Le vieux topos ne continue-t-il pas de fonctionner, dans des Ćuvres qui, au moins chez Perrault, affichent une prĂ©tention morale ? On se demandera donc Ă©galement, pour nourrir la discussion, si les contes ne mettent pas en scĂšne de façon aussi exubĂ©rante le cadre salonnier pour mieux le mettre Ă la distance, de façon Ă rĂ©tablir un systĂšme antithĂ©tique binaire et platonicien, opposant Ă la superficialitĂ© des apparences une profondeur Ă©thique, Ă la maniĂšre des moralistes de leur temps le spectaculaire ne serait pas seulement âune duperie dĂ©tournant de lâessentielâ, mais le voile chatoyant et trompeur masquant une essence invisible. La théùtralitĂ© est pourvoyeuse dâĂ©clat, mais aussi de chimĂšres et dâillusions, et Ă ce titre trop ambiguĂ« pour se prĂȘter Ă un sens univoque. Lâexaltation des apparences est-elle le dernier mot de nos rĂ©cits ? La cĂ©lĂ©bration du faste pourrait fonctionner comme un trompe-lâĆil dissimulant un sens plus profond, quâon apercevra ou pas, âselon le degrĂ© de pĂ©nĂ©tration de ceux qui les lisentâ. La fin de lâĂ©noncĂ© invitait dans tous les cas Ă sâinterroger aussi sur la question du âfondement des valeursâ dans quelle mesure les contes bouleversent-ils la hiĂ©rarchie des valeurs sociales et mondaines ? Questionnement axiologique qui pouvait mettre en jeu des problĂšmes Ă©thiques et esthĂ©tiques, voire Ă©valuer leur possible coĂŻncidence lâĂ©lĂ©gance des salons et de ceux qui les hantent renvoie-t-elle Ă une supĂ©rioritĂ© morale ? Se dessine ainsi lâesquisse de cette dĂ©marche tripartite quâaffectionnent les jurys de concours. I. âLe plus beau spectacle quâil eĂ»t jamais vuâ le royaume des apparences et de la frivolitĂ© La citation invitait nĂ©cessairement Ă mettre en place rapidement au sein du devoir un repĂ©rage des phĂ©nomĂšnes liĂ©s Ă une théùtralitĂ© exhibant le microcosme de la galanterie mondaine. A. La galanterie et la magnificence un microcosme fermĂ©, conçu par et pour un petit groupe de âprivilĂ©giĂ©sâ Lâaristocratie constitue au sens strict du terme une caste de privilĂ©giĂ©s bĂ©nĂ©ficiant de toute sorte dâavantages lĂ©gaux et juridiques â en particulier lâexemption de la taille personnelle et dâautres impĂŽts. Sur la âmagnificenceâ et la âgalanterieâ, voir quelques considĂ©rations ici et ici . Le beau monde dicte les normes du savoir-vivre dont les contes se font lâĂ©cho. Loin de discrĂ©diter cette vie oisive et superficielle vĂ©cue par les mondains, les contes Ă©talent aux yeux des lecteurs tous les plaisirs de la vue, de lâouĂŻe, et des autres sens, que les riches oisifs pouvaient goĂ»ter Ă Versailles ou Ă Sceaux les contes sont bien des âmiroirs de leur tempsâ, mais considĂ©rĂ© du point de vue des plus aisĂ©s, qui peuvent jouir des sĂ©ductions dont le progrĂšs âmoderneâ se montre prodigue. Ces miroirs ne sont pas des specula dans lesquels on contemple son Ăąme et ses dĂ©fauts ils sont plutĂŽt des invitations Ă une vanitĂ© qui nâest pas rĂ©prouvĂ©e, mais cultivĂ©e, comme en tĂ©moignent les innombrables allusions Ă la mode du temps. Voir ici pour quelques propositions dâexemples B. Théùtre des contes et théùtralisation de lâexistence Le spectacle est omniprĂ©sent dans nos contes, et tout particuliĂšrement lâopĂ©ra, ses prestiges et ses machines, mis en abyme au cĆur des rĂ©cits Voir ici Comme le rappelait une Ă©tudiante sa copie, lâĂ©pĂ©e de diamant rappelle le bouclier de diamant qui, dans lâArmide de Quinault et Lully 1686, dissipe les enchantements. On trouve aussi des scĂšnes de tragĂ©die, comme la fin du âNain Jauneâ p. 237-238, placĂ©e sous le signe de la passion funeste, du tombeau, et de la fatalitĂ© â la mĂ©tamorphose finale nous fait songer davantage toutefois aux tragĂ©dies lyriques de Quinault quâaux piĂšces parlĂ©es de Racine. On dĂ©couvre Ă©galement de vraies scĂšnes de comĂ©dies, voire de farce, lorsque Carabosse descend par la cheminĂ©e p. 136, ou que Percinet Ă©merge dâun tonneau p. 69. Ce sont comme des scĂšnes théùtrales convenues et artificielles quâil faut lire les scĂšnes bucoliques, hĂ©ritĂ©es de la pastorale dramatique du dĂ©but du siĂšcle dans âLe Rameau dâorâ, par exemple, p. 193 sqq..3 . Les dialogues de Riquet et de la Princesse peuvent aussi rappeler des rĂ©pliques théùtrales, comme la cuisine souterraine, ou les rideaux du lit de la Belle. Le loup du âPetit Chaperon rougeâ est Ă©galement comĂ©dien, habile Ă contrefaire sa voix, maĂźtre en travestissement, metteur en scĂšne hors pair. Les personnages de nos rĂ©cits sont des acteurs, au physique fortement caractĂ©risĂ©, monstrueux ou dâune beautĂ© divine, et costumĂ©s pour le rĂŽle quâon attend dâeux le prince joue avec conviction au berger, vĂȘtu âdâun habit de pasteur extrĂȘmement galantâ p. 195, et la princesse, plus Ă contrecĆur, prend la pose de la bergĂšre. La plupart endosse le costume de la chevalerie et de de la courtoisie, au prix dâun travestissement parfois comme Belle-Belle/FortunĂ©. Lâimaginaire luxuriant des contes autorise aussi pleinement le dĂ©ploiement dâun théùtre fantasmatique oĂč les fantaisies sexuelles se donnent libre cours, Ă la faveur du prĂ©texte fĂ©erique et des mĂ©tamorphoses ainsi les relations ambiguĂ«s entre la biche et son prince dans âLa Biche au boisâ. Le théùtre omniprĂ©sent rĂ©pond Ă une vie mondaine codifiĂ©e, tout entiĂšre spectacle, oĂč la conversation est Ă©rigĂ©e au rang dâun des beaux-arts, et oĂč lâon nâignore pas non plus lâart du cosplay et du jeu de rĂŽle comme lâatteste le portrait de Julie dâAngennes en AstrĂ©e, ou la vogue des ballets de cour oĂč les participants, de haute naissance, se costument pour danser. Le spectacle devient effectivement, dâune certaine façon, lâorigine et la source des valeurs auxquelles adhĂšrent galants et mondains les apparences superficielles semblent Ă©rigĂ©es en norme de vie. Les contes nous donnent Ă admirer de parfaits courtisans, des gentilshommes courtois, des dames raffinĂ©es, voire PrĂ©cieuses comme Gracieuse, maĂźtres dâeux-mĂȘmes, capables de jouer leur existence conformĂ©ment Ă lâĂ©tiquette quâon exige pour ĂȘtre admis dans cette sociĂ©tĂ©. C. Lâapologie de la Caverne Les contes apparaissent ainsi au premier abord comme une apologie de la Caverne. Loin de pointer vers quelque arriĂšre-monde, ils invitent Ă succomber aux prestiges des enchantements, Ă la griserie des sortilĂšges, Ă la sĂ©duction des sens les yeux du lecteur sont âfascinĂ©sâ par la magie comme sâils avaient Ă©tĂ© ensorcelĂ©s par Percinet p. 57. Lâadmiration de Gracieuse pour les marionnettes met Ă distance le mythe platonicien qui faisait de la marionnette tirĂ©e par ses passions un truchement pour penser la vocation morale de lâhomme, Ă©cartelĂ© entre vice et vertu Lois, I, 644d-645c, et VII, 803c-804b le spectacle de marionnette, comme aussi celui de lâOiseau bleu, nâest plus ici quâun divertissement surprenant nâayant en vue que la jouissance des yeux. Sur les spectacles de marionnettes dans nos rĂ©cits, voir Raymonde Robert nous invite Ă considĂ©rer nos textes dans une perspective quâon aurait appelĂ©e il y a quelques dĂ©cennies âbaroqueâ une dĂ©bauche de spectaculaire, un art de la surprise et du far stupir Ă la Marino comme le montre par exemple le surgissement du Nain Jaune, p. 225, un univers dâor, de pierreries, de luxe, vaste théùtre dans lequel on sâĂ©tourdit pour ne pas songer Ă traverser ce miroitement dâapparences brillantes et frivoles. La vie nâest-elle quâun dĂ©cor dâopĂ©ra au service dâune succession de plaisirs indĂ©finis et bĂątis sur du vide ? II. Des âlouanges empoisonnĂ©esâ Comme le rappelle Raymonde Robert, le vieux topos du theatrum mundi Ă©tait communĂ©ment utilisĂ© par les moralistes. Sâagissant des conteurs de la premiĂšre âvogueâ du conte de fĂ©es, se pourrait-il que le motif ait malgrĂ© tout conservĂ© son rĂŽle paradigmatique pour dĂ©crire et condamner le jeu social ? A. Les puissances trompeuses Le conte, sous couvert dâexalter le faste, met aussi en Ă©vidence la tromperie des apparences. PrintaniĂšre se laisse ainsi berner par lâappareil pompeux dont est entourĂ© Fanfarinet, Rosette par sa fascination ridicule pour les paons, dont Jean Rousset a fait lâemblĂšme de lâostentation et de la futilitĂ©4 . Les hĂ©ros souvent doivent rĂ©sister aux illusions qui les leurrent ainsi Torticolis/Sans-Pair, qui manque de succomber aux sortilĂšges de la bien-nommĂ©e âreine des MĂ©tĂ©oresâ habile Ă faire surgir des fantasmagories Ă©vanescentes âelle sâĂ©tait crue victorieuse par le secours de tant de diffĂ©rentes illusionsâ, p. 208 ; ou le roi des Mines dâor, qui doit âdissiperâ une troupe de nymphes p. 236, dont lâapparition nâĂ©tait que le fruit dâun enchantement malĂ©fique. Inversement, le Roi charmant Ă©choue Ă reconnaĂźtre Truitonne p. 99. Tout ce qui brille nâest pas nĂ©cessairement or. âLâhabit, la mine et la jeunesseâ sây rĂ©vĂšle souvent trompeurs âlâhabitâ tirĂ© de la garde-robe du roi suffit Ă transformer en marquis le dernier fils dâun meunier p. 243. B. Les masques de lâamour propre Madame dâAulnoy, que les circonstances amenĂšrent Ă rĂ©sider dans des couvents, fut-elle marquĂ©e par la pensĂ©e augustinienne ? La contemporaine de La BruyĂšre paraĂźt en tout cas avoir retenu la leçon des moralistes, et met en scĂšne les dĂ©sastres de lâamour-propre. La princesse Toute-Belle constitue le parfait modĂšle dâune victime de lâamour de soi. Serpentin Vert, qui constitue un diptyque avec Le Nain Jaune, participe plus nettement encore de cette condamnation des vanitĂ©s et de la frivolitĂ© de ces cours promptes Ă exclure de leur sein le vieux, les laids, et tous ceux qui ne se conforment pas au programme dâexquis raffinement en vigueur dans ce milieu âprivilĂ©giĂ©â âIl ne faut Ă votre Cour que de jolies personnes, bien faites et bien magnifiques comme sont mes sĆursâ, constate amĂšrement Magotine face Ă la vaniteuse mĂšre de Laideronette. Parmi les sĆurs de Magotine, toutes ne sont pas si belles y figure aussi la farceuse Carabosse, qui joue des tours pendables aux parents de PrintaniĂšre et sâingĂ©nie surtout Ă introduire la pensĂ©e de la mort au sein de la fĂȘte, comme un crĂąne dans une peinture de VanitĂ© chouettes, corbeaux et âĂ©charpe noireâ de âtriste prĂ©sageâ p. 141 viennent miner les plaisirs et rappeler, Ă la maniĂšre de Pascal, que le divertissement continu ne saurait ĂȘtre le secret du bonheur, car il est toujours susceptible dâĂȘtre interrompu, et quâalors on retrouve la conscience de sa mortalitĂ© â Sortez dehors et cherchez le bonheur en un divertissement.â Et cela nâest pas vrai, les maladies viennent.â PensĂ©es, S. 26. Chez dâAulnoy comme dans les PensĂ©es, un roi privĂ© de divertissement devient un homme plein de misĂšre â et une reine Ă©galement âĂ cette lugubre vision, tout le monde se mit Ă pleurer, et la reine, plus affligĂ©e que personne, voulut arracher lâĂ©charpe noire ; mais elle semblait clouĂ©e sur les Ă©paules de sa filleâ p. 141. Pour quelques rĂ©flexions complĂ©mentaires sur notre conteuse âĂ la lisiĂšre de la littĂ©rature moraleâ, voir ici Sur la vision dĂ©sabusĂ©e et sombre qui se dĂ©gage des contes de Perrault, voir les billets correspondant ici et ici C. La comĂ©die sociale Madame dâAulnoy et Perrault ne se contentent pas de cĂ©lĂ©brer la magnificence de lâunivers dĂ©sĆuvrĂ© dans lequel les oisifs de la bonne sociĂ©tĂ© passent leur existence. Madame dâAulnoy, certes noble, nâĂ©tait probablement que baronne, le plus bas degrĂ© dans la hiĂ©rarchie aristocratique ; joueuse, endettĂ©e, elle nâĂ©tait pas riche ; et le moins quâon puisse dire est quâelle nâa pas passĂ© le plus clair de sa vie dâun salon Ă lâautre du Marais elle nâignorait rien des vicissitudes du monde rĂ©el. Quant Ă Perrault, il a Ă©tĂ© victime dâune retraite forcĂ©e par dĂ©cision du roi, disgrĂące politique complĂšte doublĂ©e pour lui dâune trĂšs mauvaise affaire financiĂšre. Il ne faudrait pas sâĂ©tonner si ces deux auteurs glissaient quelques piques Ă lâencontre du monde comme il va, et de la sociĂ©tĂ© louis-quatorzienne qui, de diffĂ©rentes façons, les a tous deux marginalisĂ©s. Mieux que quiconque, ils perçoivent les jeux complexes de la comĂ©die sociale. Partout, sous les frontons des palais et lâĂ©vocation des divertissements curiaux, percent la corruption et les intrigues. Nulle part le théùtre du monde nâest mieux mis en Ă©vidence que dans âLe Chat bottĂ©â dans ce monde Ă lâenvers carnavalesque, nâimporte quel animal, adoubĂ© par le port dâune paire de bottes, peut se tailler une place Ă la cour et devenir grand seigneur, pour peu quâil soit rusĂ© et intrigant. AidĂ© par de tels serviteurs, nâimporte quel meunier empotĂ© peut apprendre les rĂšgles du jeu de sĂ©duction, et Ă©pouser la princesse. Le roi cherche Ă connaĂźtre âles dedansâ du chĂąteau de lâogre p. 242 sage prĂ©caution sans doute de ne pas se contenter des façades, mais que ne sâinquiĂšte-t-il de mĂȘme de lâidentitĂ© rĂ©elle de son futur gendre, dissimulĂ©e par les dehors dâun habit quâil lui a lui-mĂȘme donnĂ© ? La leçon, ironique, rejoint celle des moralistes qui dĂ©nonçaient ce monde oĂč les laquais pouvaient devenir de grands financiers. Le meunier est de la race de ce Sosie dĂ©crit par La BruyĂšre Sosie de livrĂ©e a passĂ© par une petite recette Ă une sous-ferme ; et par les concussions, la violence, et lâabus quâil a fait de ses pouvoirs, il sâest enfin, sur les ruines de plusieurs familles, Ă©levĂ© Ă quelque grade. Les CaractĂšres, chapitre 6, âDes Biens de la Fortuneâ 15. Câest aussi Ă une paire de bottes, certes magiques, mais cette fois volĂ©es, que le Petit Poucet doit de âbien faire sa courâ. Mais que fait ce parfait courtisan pour faire figure de modĂšle cortegiano accompli ? Il achĂšte des titres de noblesse Ă prix dâargent, participant ainsi Ă la ruine des valeurs nobiliaires et du socle mĂȘme sur lequel repose la sociĂ©tĂ© dâAncien RĂ©gime. DĂ©saveu cinglant de la morale courtoise et chevaleresque que Perrault et ses amies prĂ©tendaient restaurer dans lâesprit des troubadours. Du point de vue axiologique, le Moyen-Ăge est bien un âtemps passĂ©â le pouvoir dĂ©sormais ne rĂ©compense plus les preux chevaliers, ou les amoureux constants, mais les chevaliers dâindustrie, les voleurs, les intrigants entremetteurs de passions illicites. Au terme du recueil de Perrault, lâargent-roi seul triomphe, au dĂ©triment des vieilles valeurs aristocratiques exaltĂ©es naguĂšre dans la figure du prince de âLa Belle au bois dormantâ. La rĂ©alitĂ© lâemporte, lâopportunisme sort seul victorieux. La cour nâest plus que le théùtre dâun siĂšcle corrompu. Elle fait chez Madame dâAulnoy lâobjet dâune critique rĂ©currente. Les rois y succombent Ă lâinfluence des flatteurs Avenant est la victime des âenvieux qui Ă©taient fĂąchĂ©s que le roi lui fĂźt du bienâ; dans âBelle-Belleâ, câest la reine qui perfidement enjoint son frĂšre dâenvoyer FortunĂ© regagner leurs possessions perdues. Les souverains sont plus que tous les autres les jouets de leurs passions la haine de Brun pour son fils et le mauvais mariage quâil lui prĂ©pare mettent en pĂ©ril sa succession. La cour nây est jamais le lieu apaisĂ© oĂč le roi pourrait recevoir de bons conseils politiques. Dans âSerpentin vertâ, Ă travers le peuple des Pagodes, Madame dâAulnoy met en scĂšne le rire quâinspire le spectacle du monde comme il va des traitĂ©s de paix, des ligues pour faire la guerre, trahisons et ruptures dâamants, infidĂ©litĂ©s de maĂźtresses, dĂ©sespoirs, raccommodements, hĂ©ritiers déçus, mariages rompus, vieilles veuves qui se remariaient fort mal Ă propos, trĂ©sors dĂ©couverts, banqueroutes, fortunes faites en un moment, favoris tombĂ©s, siĂšges de places, maris jaloux, femmes coquettes, mauvais enfants, villes abĂźmĂ©es. Le regard de la conteuse sâĂ©tend ici bien au-delĂ des seuls cercles de âprivilĂ©giĂ©sâ. Cette contemplation est un spectacle dâune autre sorte, que les Pagodes considĂšrent avec lâĆil de DĂ©mocrite, chez qui le regard portĂ© sur la comĂ©die humaine dĂ©clenchait un rire amer et railleur. Comme il ne nous est pas permis de rire ni de parler dans le monde, et que nous y voyons faire sans cesse des choses toutes risibles, et des sottises presque intolĂ©rables, lâenvie dâen railler est si forte que nous en enflons, et câest proprement une hydropisie de rire. Enfin, la dĂ©nonciation de la comĂ©die sociale, si elle vise au premier chef le monde curial dans lequel Ă©voluent conteuses et conteurs, possĂšde une portĂ©e bien plus gĂ©nĂ©rale, qui sâĂ©tend bien au-delĂ du petit cercle de privilĂ©giĂ©s salonniers et courtisans le Petit Chaperon rouge, le Petit Poucet, qui se dĂ©roulent dans un milieu paysan, contribuent aussi Ă donner une dimension universelle Ă la rĂ©flexion sociale et Ă©thique des contes. Entre fascination dĂ©licieuse pour lâapparat, et le regard lucide et dĂ©senchantĂ© sur le monde tel quâil est, se pourrait-il que le conte soit le lieu dâun rĂȘve, ou dâune nostalgie, dâun monde qui conjugue le spectaculaire avec lâaspiration Ă la vĂ©ritĂ© et Ă lâauthenticitĂ© ? III. Des acteurs de bonne foi Les contes Ă©voquent le souvenir dâun âtemps passĂ©â qui prĂ©cĂšde la fracture moderne entre les mots et les choses, lâessence et lâapparence. Les rĂ©cits rĂȘvent Ă la coĂŻncidence de lâessence et de lâapparence, heureux Ăąge oĂč la transparence du cĆur pouvait justifier tous les chatoiements du visible, oĂč le paraĂźtre pouvait ĂȘtre lâexpression sincĂšre du for intime. A. Les personnages silĂšnes Si qualitĂ©s physiques et qualitĂ©s de lâĂąme se recoupent souvent dans les contes, il arrive aussi que lâhabit ne fasse pas le moine, ni le vĂȘtement dâapparat, le prince. Ainsi, les belles Ăąmes de Torticolis et Trognon ne reçoivent pas dâabord une enveloppe corporelle bien avenante â et Riquet, si lâon en croit le commentaire du conteur, ne la recevra peut-ĂȘtre jamais, en dĂ©pit de son grand cĆur p. 282. A dĂ©faut dâune impossible mĂ©tamorphose fĂ©erique, lâanamorphose opĂ©rĂ©e par un changement de point de vue assure la cohĂ©rence de lâĂȘtre et du paraĂźtre. Ces personnages Ă la fois laids et comblĂ©s de vertus, qui dĂ©tonnent dans lâunivers des contes, renvoient Ă une longue tradition morale et philosophique, celle du SilĂšne, laide statue contenant Ă lâintĂ©rieur des figurines de dieux. Lâimage vient de Platon Alcibiade lâutilise pour pour dĂ©crire Socrate Le Banquet, 215 b. Le silĂ©nisme renaĂźt Ă la Renaissance et devient un motif humaniste. On le trouve dans un adage dâErasme âLes silĂšnes dâAlcibiadeâ avant de le rencontrer dans le prologue de Gargantua, puis encore chez le Socrate de La BruyĂšre. La prĂ©sence de personnages silĂ©niques dans les contes vient fracturer lâhabituelle correspondance entre Ă©lĂ©gance physique et qualitĂ©s morales, et miner lâidĂ©al dâune perfection harmonieuse et conjointe du corps et de lâesprit. La laideur peut cohabiter avec la bontĂ©, et mĂȘme constituer un chemin vers la vertu, par exemple chez Laideronnette dans âSerpentin Vertâ. Le silĂ©nisme nous invite Ă nous dĂ©fier des apparences trompeuses et Ă ne pas sâen tenir aux apparences mensongĂšres. Socratique ou chrĂ©tien, il vient sourdement travailler lâidĂ©al mondain et curial du triomphe des apparences. Faut-il conclure que les conteurs cherchent Ă rĂ©tablir subrepticement une vision dualiste de lâhomme et du monde ? Seraient-ils des crypto-moralistes dĂ©guisĂ©s en galants ? Leur position est plus complexe. Nos silĂšnes fĂ©eriques reçoivent toujours, dâune façon ou dâune autre, la marque corporelle de leur supĂ©rioritĂ© intĂ©rieure Torticolis devient Sans-Pair, Trognon Brillante, Laideronnette DiscrĂšte. Le silĂ©nisme nâest quâune Ă©tape dans un parcours qui inscrit toujours dans lâidentitĂ© physique le signe de la beautĂ© de lâĂąme. B. Cendrillon le rĂȘve de la transparence. Si, dans lâunivers des conteuses, lâon ne saurait jamais se satisfaire de qualitĂ©s cachĂ©es et dissimulĂ©es aux yeux du monde, câest que les vertus ne sauraient demeurer cachĂ©es toujours sous le boisseau elles doivent apparaĂźtre au grand jour pour se faire voir et admirer. La cour, considĂ©rĂ©e souvent avec mĂ©fiance par Madame dâAulnoy, apparaĂźt plus volontiers chez Perrault comme un lieu de distinction et de reconnaissance. Les bonnes qualitĂ©s de Cendrillon restent inconnues de tous tant quâelle demeure parmi les cendres du foyer, recroquevillĂ©e sur le souvenir de sa mĂšre. Lâintervention de sa marraine lui permet de pĂ©nĂ©trer dans un lieu propre Ă rĂ©vĂ©ler sa vĂ©ritable identitĂ© inutiles dans sa demeure, ses qualitĂ©s dâhonnĂȘtetĂ© et de civilitĂ© la font reconnaĂźtre aussitĂŽt quâelle paraĂźt Ă la cour. Sur la civilitĂ© de Cendrillon, comme naturellement maĂźtresse de lâart de plaire Ă la cour, je me permets de renvoyer Ă cet article âLa bonne grĂąceâ cĂ©lĂ©brĂ©e dans la moralitĂ©, qualitĂ© labile, donnĂ©e comme naturelle mais en rĂ©alitĂ© fruit dâun apprentissage, devient le point dâarticulation entre lâĂȘtre et le paraĂźtre. Câest en elle que sâaccomplit cette fusion merveilleuse des qualitĂ©s du corps, de lâesprit et de lâĂąme âCâest ce quâĂ Cendrillon fit avoir sa Marraine, En la dressant, en lâinstruisant, Tant et si bien quâelle en fit une reine Car ainsi sur ce conte on va moralisant.â. Cendrillon est une comĂ©dienne assez impĂ©nĂ©trable, qui Ă la cour joue sa partition, mais le texte nous assure que, âaussi bonne que belleâ p. 269, elle est une actrice de bonne foi lorsquâelle se comporte avec une exquise civilitĂ© chez le prince, partageant avec ses soeurs oranges et citrons, elle manifeste, Ă travers la maĂźtrise des codes de la cour, la puretĂ© de son coeur. La pantoufle de verre devient lâemblĂšme de cet idĂ©al de transparence qui rappelle le rĂȘve de Castiglione la cour, telle quâelle apparaĂźt dans Le Livre du Courtisan, consacre les valeurs de raffinement, de sprezzatura, dâintelligence, propres Ă faire du courtisan le meilleur et le plus utile serviteur de son prince, tout en participant pleinement aux agrĂ©ments de la vie de cour. âLes contes du temps passĂ©â, lorsquâils ne sont pas trop dĂ©sabusĂ©s par les dĂ©sordres du siĂšcle, se prennent encore Ă songer avec nostalgie Ă cet idĂ©al curial qui ne se rĂ©sume pas Ă un triomphe du paraĂźtre, mais tend Ă couronner les vĂ©ritables vertus. C. LâinterprĂ©tation des signes Au fond, il nây a pas de tromperie absolue au pays des contes on arrive toujours Ă deviner le fond de lâĂȘtre, pour Madame dâAulnoy comme pour La BruyĂšre. Encore faut-il ĂȘtre capable de reconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© sous les habits et les dĂ©guisements. La maĂźtrise des signes, et de lâart de les interprĂ©ter, occupe une place centrale dans ce dispositif. Charles-Olivier Stiker-MĂ©tral explique, dans un essai encore Ă paraĂźtre sur La Rochefoucauld, que les moralistes Ă©taient avant tout des sĂ©miologues qui sâinterrogeaient sur les causes de notre incapacitĂ© Ă lire correctement les signes câest le mĂȘme souci hermĂ©neutique quâon retrouve dans nos rĂ©cits fĂ©eriques. Tous les personnages ne sont pas dâhabiles sĂ©mioticiens, et leurs malheurs rĂ©sultent souvent de leur incapacitĂ© Ă lire correctement les signes. Le Roi Charmant, qui confond Florine et Truitonne, nâest pas un bon dĂ©chiffreur ; le roi Brun, aveuglĂ© par la laideur de son fils et de sa bru dĂ©signĂ©e, non plus. La âdame de qualitĂ©â hĂ©roĂŻne de la Barbe bleue dĂ©cide de nĂ©gliger le signe physique annonçant la monstruositĂ© de ce âfort honnĂȘte hommeâ. La mĂšre de DĂ©sirĂ©e ne comprend pas le sens allĂ©gorique de la mĂ©tamorphose en Ecrevisse de la fĂ©e, qui se retrouve rĂ©duite Ă devoir le lui expliquer. A sa dĂ©charge, lâexercice de dĂ©chiffrement nâest pas toujours facile le marquis de Salusses, mĂ©lancolique et soupçonneux, Ă©choue Ă reconnaĂźtre dans la douceur soumise de son Ă©pouse le reflet de sa puretĂ© et de son innocence. Les plus incompĂ©tents sont sans nul doute les ogres, ĂȘtres âsauvagesâ selon une didascalie du manuscrit de 1695, incapables Ă ce titre de dĂ©coder comme il fait. Lâogresse de âLa Belle au bois dormantâ, avisĂ©e en soupçonnant chez son fils âquelque amouretteâ, se laisse berner un peu plus loin par le gibier que lui sert le maĂźtre dâhĂŽtel ; lâogre du Chat bottĂ© se laisse abuser sans mĂ©fiance. Celui du Petit Poucet est leurrĂ© par lâĂ©change des couronnes et des bonnets. Quelques-uns sont plus habiles. Les fĂ©es dans âLes FĂ©esâ ou dans âBelle-Belleâ ne se trompent pas lorsquâil sâagit de reconnaĂźtre une bonne Ăąme sous des dehors pauvres ou riches, masculins ou fĂ©minins. Le roi des Mines dâor reconnaĂźt la fĂ©e du DĂ©sert Ă son pied fourchu, le seul endroit que le diable ne saurait dissimuler, conformĂ©ment Ă la tradition. Lâenjeu hermĂ©neutique ne concerne pas seulement les personnages, mais aussi le lecteur âLe conte nous invite constamment Ă renverser les signesâ, Ă©crivait avec justesse une Ă©tudiante. De ce point de vue, la seconde fin de Riquet peut apparaĂźtre comme une invitation Ă lire au-delĂ des apparences, ou plutĂŽt Ă rĂ©gler son regard pour donner la prioritĂ© aux vertus intĂ©rieures. Les contes, cryptĂ©s, destinĂ©s Ă exercer la âpĂ©nĂ©tration de ceux qui les lisentâ, riches en allusions, dissimulant proverbes et sens grivois, constituent une pĂ©dagogie du dĂ©cryptage et une proposition adressĂ©e au lecteur, afin quâil dĂ©ploie au sein du théùtre du monde une semblable perspicacitĂ©. A coup sĂ»r, Perrault et Aulnoy sont encore marquĂ©s par le souvenir des humanistes et des moralistes de ce point de vue, ils regardent vers le passĂ© bien plus quâils ne prĂ©parent lâavĂšnement du siĂšcle suivant, dont les contes seront plus ouvertement parodiques, ironiques, et libertins. Conclusion Affirmer que lâaxiologie nâest fondĂ©e que sur lâexaltation des apparences est insuffisant. Il ne sâagit pas non plus de faire de Perrault ou dâAulnoy des âmoralistesâ au mĂȘme titre que Pascal ou La BruyĂšre, mais de tenir compte au moins dâune rĂ©flexion Ă caractĂšre Ă tout le moins social, sans exclure de rĂ©els enjeux anthropologiques. Ce sont les conditions de la sociabilitĂ©, dâun vivre-ensemble, auxquelles songent conteuses et conteurs, qui nourrissent encore le rĂȘve dâune transparence dans une sociĂ©tĂ© rĂ©gie par une harmonie entre lâĂȘtre et le paraĂźtre un théùtre de vĂ©ritĂ©, mais Ă destination de lecteurs clairvoyants, sans illusions, capables de dĂ©crypter le double jeu et le double langage permanent chez les acteurs de la grande comĂ©die humaine. Ces Ă©lĂ©ments de corrigĂ© doivent beaucoup aux Ă©changes avec Constance Cagnat et Laurence Plazenet, que je remercie vivement. La mode des contes de fĂ©es 1685-1700, Champion, 1928. [â©] Le site de ressources de lâEducation nationale consacre Ă ce topos un dossier consultable ici . On pourra aussi consulter Le Théùtre du monde de Frances Yates, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1969 et traduit en 2019 par Boris DonnĂ©, aux Ă©ditions Allia. [â©] Sur ce genre en vogue dans les annĂ©es 1620-1630, inspirĂ© par le succĂšs de LâAminte du Tasse, on se reportera par exemple Ă lâarticle de Daniela Della Valle, ici [â©] Voir CircĂ© et le paon. La littĂ©rature de lâĂąge baroque en France, Corti, 1953. [â©] Contes des fĂ©es par Perrault, Mme dâAulnoy, HamiltonâŠ, Paris, Garnier frĂšres seconde moitiĂ© XIXe siĂšcle Toute la vallĂ©e Ă©tait dâune seule glace de miroir. Il y avait autour plus de soixante mille femmes qui sây miraient avec un plaisir extrĂȘme, car ce miroir avait bien deux lieues de large et six de haut chacune sây voyait selon ce quâelle voulait ĂȘtre. La rousse y paraissait blonde, la brune avait les cheveux noirs, la vieille croyait ĂȘtre jeune, la jeune nây vieillissait point ; enfin, tous les dĂ©fauts y Ă©taient si bien cachĂ©s, que lâon y venait des quatre coins du monde. Il y avait de quoi mourir de rire, de voir les grimaces et les minauderies que la plupart de ces coquettes faisaient. Cette circonstance nây attirait pas moins dâhommes ; le miroir leur plaisait aussi. Il faisait paraĂźtre aux uns de beaux cheveux, aux autres la taille plus haute et mieux prise, lâair martial et meilleure mine. LâOiseau bleu, p. 122-123 Les lectrices et lecteurs dâHarry Potter reconnaissent aussitĂŽt dans ce passage de LâOiseau bleu une prĂ©figuration du Mirror of Erised, en français le âMiroir du Risedâ, qui montre Ron comme un beau jeune homme, de surcroĂźt capitaine de lâĂ©quipe de Quidditch, tandis quâHarry contemple son reflet entourĂ© par une famille aimante. Comme les personnages de Madame dâAulnoy, le jeune hĂ©ros ne peut dĂ©tacher ses yeux de ce spectacle qui donne un sentiment rĂ©el de bonheur, quoique provisoire et fondĂ© sur une illusion. Ron devant le miroir du Rised. Fan Art source hpstuffstumblr Il est difficile de savoir si Rowling sâest inspirĂ©e de Madame dâAulnoy Ă©tant donnĂ© le succĂšs de la conteuse outre-Manche, et de la culture française dont dispose la romanciĂšre, le fait nâest pas complĂštement invraisemblable. Il fait peu de doute en revanche que Madame dâAulnoy ait songĂ© aux moralistes de son temps en dĂ©crivant ce miroir. Rappelons que les âmoralistesâ, dont les plus cĂ©lĂšbres furent La Rochefoucauld, Pascal, La BruyĂšre, mais auxquels on peut associer MoliĂšre et La Fontaine, nâĂ©taient en rien des censeurs qui faisaient la morale, mais bien plutĂŽt des observateurs dĂ©sabusĂ©s des mĆurs et des dysfonctionnements sociaux de leur temps. Ces auteurs se mettaient en demeure de dĂ©voiler la corruption universelle, mais sans beaucoup dâespoir de rĂ©ellement pouvoir rĂ©former les hommes, trop aveuglĂ©s sur leurs propres dĂ©fauts, ni changer la sociĂ©tĂ©, fondĂ©e sur le mensonge et lâintĂ©rĂȘt. A la fin du XVIIe siĂšcle, le genre moral Ă©tait Ă son apogĂ©e La BruyĂšre, dont les CaractĂšres connurent un succĂšs fulgurant depuis la premiĂšre Ă©dition en 1688, venait de mourir en 1696, peu avant la parution dâune neuviĂšme livraison de son Ćuvre. La BruyĂšre Ă©tait farouchement partisan des Anciens, et avait beaucoup insistĂ© sur la mission premiĂšre de la littĂ©rature lâinstruction morale, le plaisir du texte Ă©tant selon lui subordonnĂ© Ă la dimension rĂ©flexive et critique la littĂ©rature. [Le lecteur] peut regarder avec loisir ce portrait que jâai fait de lui dâaprĂšs nature, et sâil se connaĂźt quelques-uns des dĂ©fauts que je touche, sâen corriger. Câest lâunique fin que lâon doit se proposer en Ă©crivant, et le succĂšs aussi que lâon doit moins se promettre ; mais comme les hommes ne se dĂ©goĂ»tent point du vice, il ne faut pas aussi se lasser de leur reprocher [âŠ] On ne doit parler, on ne doit Ă©crire que pour lâinstruction ; et sâil arrive que lâon plaise, il ne faut pas nĂ©anmoins sâen repentir, si cela sert Ă insinuer et Ă faire recevoir les vĂ©ritĂ©s qui doivent instruire. La BruyĂšre, Les CaractĂšres, âprĂ©faceâ Les Modernes pouvaient nĂ©cessairement sâinquiĂ©ter. Il leur fallait Ă©viter de laisser aux Anciens le monopole de la vertu. Les Modernes avaient en effet la rĂ©putation de promouvoir une littĂ©rature frivole, mondaine, salonniĂšre. Cette âFrance galanteâ pour reprendre le titre dâAlain Viala dĂ©jĂ citĂ© goĂ»tait lâopĂ©ra, le roman, la poĂ©sie de circonstance ; elle se dĂ©lectait des belles histoires dâamour, des sĂ©ductions de la musique et des spectacles Ă effets spĂ©ciaux ce quâon appelait les âmachinesâ. Bref, elle pouvait sembler promouvoir un art et une littĂ©rature de divertissement, indĂ©pendante de tout enjeu moral ou religieux. Boileau et ses amis avaient beau jeu de reprocher aux Modernes lâinanitĂ© dâune littĂ©rature qui ne visait quâĂ lâagrĂ©ment et au badinage enjouĂ©, et dont la plus haute prĂ©occupation se bornait Ă dissĂ©quer les mĂ©andres du cĆur amoureux. Il pouvaient aisĂ©ment passer pour des amuseurs. A la lumiĂšre de la Querelle, nous comprenons mieux pourquoi Perrault, dans les diffĂ©rentes prĂ©faces des contes, revendique si haut la parfaite moralitĂ© de ses Ćuvres, quâil oppose Ă dessein au plus badin des Anciens, La Fontaine. Le cas de Perrault est en rĂ©alitĂ© trĂšs complexe ses textes en prose, assortis de moralitĂ©s dĂ©calĂ©es, sont fort douteux au plan Ă©thique, au point quâils paraissent contredire les protestations de foi en faveur des bonnes mĆurs lâĂ©loge du cynisme et de lâarrivisme dans âCendrillonâ ou âLe Chat bottĂ©â, ou le sort rĂ©servĂ© Ă lâinnocent Chaperon, ne peuvent dĂ©cemment pas ĂȘtre envisagĂ©s comme des preuves incontestables de la supĂ©rioritĂ© morale de ces prĂ©tendus contes de vieille sur PsychĂ© ou la Matrone dâEphĂšse. Sauf Ă considĂ©rer la morale comme lâacceptation du monde comme il va, et lâhabiletĂ© Ă y tracer efficacement son chemin câest Ă dire Ă dĂ©finir la morale par son contraire. La question Ă©thique est-elle plus simple chez les autres conteurs et conteuses ? Toutes et tous nâĂ©taient pas impliquĂ©s aussi directement que Perrault dans les polĂ©miques liĂ©es Ă la Querelle, et par consĂ©quent nâĂ©prouvaient pas la mĂȘme nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse de dĂ©fendre la moralitĂ© et lâutilitĂ© de leurs contes. Plusieurs assurĂ©ment ne se souciaient que de plaire Ă leur public, Ă des fins uniquement commerciales parfois trĂšs ouvertement assumĂ©es comme telles. Le Chevalier de Mailly, par exemple, auteur en 1698 des Illustres fĂ©es. Contes galants, dĂ©diĂ©s aux dames, donne dans une veine gentiment libertine, largement inspirĂ©e de Straparole et des Italiens, sans se soucier de conclure ses contes par des moralitĂ©s qui eussent dans ce contexte Ă©tĂ© fort inappropriĂ©es. Chez lui lâenjouement, le badinage, la gaietĂ©, valeurs galantes affirmĂ©es dĂšs le titre et la dĂ©dicace, rĂšgnent effectivement sans partage, et se passent de prĂ©textes moraux. Jean de PrĂ©chac, auteur de contes allĂ©goriques cĂ©lĂ©brant le roi et sa famille, affectait de pratiquer les lettres comme un mĂ©tier Ă finalitĂ© alimentaire Comme jâai remarquĂ© que la plupart de ceux qui achĂštent des livres demandent les plus nouveaux, jâen fais un toutes les semaines qui se dĂ©bite sur la nouveautĂ© de la date, et lâimpression est quelquefois vendue avant quâon se soit aperçu que le livre ne vaut rien. Jean de PrĂ©chac, La Valise ouverte A lire cette profession de foi, les contes de PrĂ©chac, comme ceux de Mailly, apparaissent dĂ©pourvus de portĂ©e morale ils sont des textes de pur divertissement, privĂ©s de toute autre autre ambition, et ne visent quâau succĂšs Ă©ditorial auprĂšs du public du Mercure galant. Leurs auteurs ne songent pas Ă lĂ©gitimer le genre en arguant comme Perrault de leur supĂ©rioritĂ© pĂ©dagogique ou de leur valeur critique. Chez les conteuses, ni Madame Durand ni Madame dâAuneuil ne terminent non plus leurs rĂ©cits par des moralitĂ©s. Celles-ci nâĂ©taient donc en rien un impĂ©ratif catĂ©gorique voulu par le genre. Loin de lĂ , Straparole terminait les siens par un poĂšme en forme dâĂ©nigme Ă©quivoque et grivoise qui eussent passĂ© les biensĂ©ances dans la France du XVIIe siĂšcle finissant, et Basile par un court proverbe. On ne trouve bien sĂ»r pas non plus de moralitĂ©s explicites dans les contes de Boccace ni de La Fontaine. Quâen est-il de Madame dâAulnoy ? Quelle position occupait-elle dans la Querelle, Ă sây tenir aux indices textuels internes ? Son choix dâajouter des moralitĂ©s constitue un premier signe de son parti pris moderne il participe comme chez Perrault dâune volontĂ© de donner des lettres de noblesse au genre mĂ©prisĂ© des âcontes de vieillesâ. Bien des indices intratextuels laissent entendre par ailleurs avec insistance lâallĂ©geance de notre conteuse Ă la cause moderne la rivalitĂ© appuyĂ©e avec La Fontaine Ă travers des reprises dĂ©calĂ©es de PsychĂ©, ou la concurrence systĂ©matique entre le merveilleux mĂ©diĂ©val et le merveilleux antique, mise en Ă©vidence par Nadine Jasmin, montrent que la querelle ne lui Ă©tait pas indiffĂ©rente. La prĂ©sence dâun roi-berger appelĂ© âLe Sublimeâ dans La Princesse Carpillon suggĂšre un dialogue avec cette catĂ©gorie centrale chez Boileau et violemment contestĂ©e par les Modernes. Mais pour ĂȘtre complĂšte, lâaffirmation dâune posture moderne supposait que Madame dâAulnoy sâemploie elle aussi Ă travailler Ă la lĂ©gitimation du genre quâelle pratiquait. Et cette lĂ©gitimation passait dâautant plus nĂ©cessairement par la moralisation que le conte Ă©tait un genre plutĂŽt libre et Ă ce titre suspect. Pour servir la cause, il Ă©tait stratĂ©gique que les contes galants de Madame dâAulnoy fussent aussi des contes moraux. LâallĂ©geance de Madame dâAulnoy Ă la culture galante est aujourdâhui bien connue lâunivers salonnier, les dĂ©corations rococo, les codes de la politesse mondaine, lâagrĂ©ment des conversations, tout rĂ©vĂšle une conteuse profondĂ©ment marquĂ©e par le mode de vie et les pratiques littĂ©raires de la haute sociĂ©tĂ© parisienne de la fin du XVIIe siĂšcle. En revanche, le rapport Ă©ventuel avec les moralistes du temps a finalement bien peu arrĂȘtĂ© les commentateurs. Nadine Jasmin, dans son livre Mots et Merveilles, consacre une vingtaine de pages Ă cette question p. 267-290, et repĂšre nombre de liens entre la conteuse et les moralistes de son temps . Pour ceux qui lâont suivi, Miriam Speyer a Ă©galement abordĂ© cette question dans le cours quâelle donne au CNED. Câest Ă leur suite que je voudrais poser la question dâune Ă©ventuelle proximitĂ© des contes de Madame dâAulnoy avec la pensĂ©e et la dĂ©marche des moralistes. Le faste, la profusion, le luxe hyperbolique et le miroitement des apparences somptueuses pourraient-ils dissimuler des interrogations plus sĂ©rieuses sur la sociĂ©tĂ© et la nature humaine ? Quel est âlâenvers du dĂ©corâ, pour reprendre une formule de Nadine Jasmin ? Op. cit., p. 267. Lâune des notions clefs Ă laquelle recourent les moralistes est celle dâamour-propre, issue de la thĂ©ologie de saint Augustin, dont lâinfluence a Ă©tĂ© si essentielle sur les auteurs de notre pĂ©riode. La Rochefoucauld le dĂ©finit ainsi âLâamour-propre est lâamour de soi-mĂȘme, et de toutes choses pour soiâ1 . Aux yeux de ceux quâon appelle âles classiquesâ, lâamour propre, au sens premier dâamour infini que chacun de nous porte Ă sa propre personne, est une constante de la nature humaine et la racine de nos comportements. De cette trĂšs haute estime dans laquelle nous nous tenons nous-mĂȘmes dĂ©coule directement le dĂ©sir dâĂȘtre aimĂ© et admirĂ© lâadmiration dâautrui est une confirmation nĂ©cessaire de notre prĂ©tention Ă ĂȘtre dignes dâamour. VanitĂ©, Ă©goĂŻsme et narcissisme sont donc, pour les classiques, les principales motivations psychiques qui gouvernent notre existence et dĂ©terminent notre vie morale, tout en nous rendant incapables dâaltruisme sincĂšre seul lâintĂ©rĂȘt nous guide. Cet amour de nous-mĂȘme est si monstrueux, nous donnerait tant de raisons de nous haĂŻr plutĂŽt que de nous aimer, en un mot est si contraire Ă lui-mĂȘme, quâil tĂąche de rester dissimulĂ©. Nous le dĂ©guisons sous un extĂ©rieur honorable, car nous ne voulons pas nous laisser voir tels que nous sommes. Nous nous cachons donc derriĂšre des vertus dâapparence honneur, respectabilitĂ©, gloire, masquent ce âvilain fond de lâhommeâ, comme lâappelle Pascal telle est la sociĂ©tĂ© humaine, une comĂ©die des masques. La tĂąche des moralistes consiste Ă dĂ©voiler ces faux-semblants, Ă repĂ©rer les illusions, Ă pointer lâhypocrisie gĂ©nĂ©ralisĂ©e sous les qualitĂ©s apparentes dont nous nous dĂ©guisons pour donner le change aux autres et Ă nous-mĂȘmes. Or, âlâallĂ©gorisme moralâ de la fĂ©erie classique, bien mis en Ă©vidence par Marc Fumaroli2 permet prĂ©cisĂ©ment de rendre perceptible cet amour propre qui reste invisible dans le monde rĂ©el. La notion dâamour-propre se prĂȘtait aisĂ©ment Ă un traitement par le merveilleux. La Rochefoucauld le dĂ©crivait dĂ©jĂ comme le sortilĂšge malĂ©fique dâun enchanteur âses transformations passent celles des mĂ©tamorphosesâ, âChacune de ses passions a une espĂšce de magie qui lui est propreâ1 . Les mauvaises passions sont âun charme victorieux [qui] entraĂźneâ, Ă©crit de mĂȘme Pascal dans une Lettre Ă Mademoiselle de Roannez datĂ©e de dĂ©cembre 1656. Lâamour de soi se prĂȘtait ainsi trĂšs naturellement Ă une mise en fiction, dont la version aulnĂ©sienne du Mirror of Erised citĂ©e plus haut donne un exemple le miroir est lâallĂ©gorie du propre amour tel que le dĂ©finissent La Rochefoucauld et Pascal, ou tel que le met en scĂšne La BruyĂšre dans le portrait de Lise, coquette quadragĂ©naire Nicolas RĂ©gnier, Jeune femme Ă sa toilette, 1626. MusĂ©e des Beaux-Arts de Lyon âles annĂ©es pour elle ont moins de douze mois, et ne la vieillissent point elle le croit ainsi ; et pendant quâelle se regarde au miroir, quâelle met du rouge sur son visage et quâelle place des mouches, elle convient quâil nâest pas permis Ă un certain Ăąge de faire la jeuneâ. La BruyĂšre, Les CaractĂšres, chap. âDes femmesâ, 8. Lise, aveuglĂ©e par lâamour-propre, ne voit dans son miroir quâun reflet embelli au lieu de lui montrer le vrai, il nourrit son illusion. Dans LâOiseau bleu, le merveilleux est utilisĂ© comme un artifice pour exhiber plus sensiblement que le miroir de Lise le mensonge de ces conseillers des grĂąces âfidĂšle conseillerâ, dit le roi des Mines dâor, entiĂšrement au service du narcissisme. Le miroir magique manifeste ici Ă quel point lâamour-propre ârend les hommes idolĂątres dâeux-mĂȘmesâ, comme Ă©crit La Rochefoucauld. La fĂ©erie agit comme un rĂ©vĂ©lateur de lâamour-propre dont les moralistes dĂ©crivent au mĂȘme moment le fonctionnement. La magie devient un instrument dâoptique morale elle sert Ă rĂ©vĂ©ler la corruption du cĆur, et la ridicule folie des hommes. Suite des Contes nouveaux ou des FĂ©es Ă la mode, Paris, Cie des Libraires, 1711 Cette magie Ă valeur Ă©thique fonctionne de diffĂ©rentes façons chez notre conteuse. Elle peut rendre visible la laideur intĂ©rieure, comme dans âLe prince Marcassinâ. Ce conte est une réécriture du âRoi porcâ de Straparole, dont Madame dâAulnoy suit dâassez prĂšs la trame narrative, mais en y introduisant des perspectives directement inspirĂ©es par les moralistes contemporains. Dans ce rĂ©cit, le hĂ©ros est maudit par une fĂ©e et condamnĂ© Ă recevoir lâapparence dâun marcassin, appelĂ© avec moins dâambages âcochonâ dans la suite du rĂ©cit. Le porc est traditionnellement, par exemple chez Rabelais, le symbole de la philautie, forme renaissante de lâamour de soi dont lâamour-propre classique est lâhĂ©ritier direct. Chez Madame dâAulnoy, lâapparence porcine du hĂ©ros coĂŻncide avec le fond de son cĆur câest son amour-propre qui se laisse voir dans son corps animalisĂ©. Le merveilleux fait office de rĂ©vĂ©lateur dâune Ăąme qui reste habituellement invisible le motif topique et folklorique du fiancĂ© animal, bien reprĂ©sentĂ© dans les collectes et rĂ©pertoriĂ© sous le numĂ©ro AT 433, est ici mis au service dâune rĂ©flexion morale inscrite dans les perspectives littĂ©raires du temps. Marcassin souffre en effet trĂšs visiblement de tous les dĂ©fauts imputables au narcissisme pourchassĂ© par les moralistes. Il est par exemple atteint de la libido dominandi, une soif de dominer et de faire advenir tous ses dĂ©sirs âil avait le commandement absoluâ. Il exprime Ă©galement avec naĂŻvetĂ© son dĂ©sir prĂ©somptueux dâĂȘtre aimĂ© malgrĂ© sa laideur, dit-il, âil ne faut pas pour cela [lâ]en trouver moins aimableâ. Marcassin, comme allĂ©gorie de lâamour-propre, cherche Ă dissimuler sa vraie nature, Ă ses propres yeux et Ă ceux des autres. Lâamour propre, en effet, explique Pascal, âmet tout son soin Ă couvrir ses dĂ©fauts et aux autres et Ă soi-mĂȘme, et [âŠ] il ne peut souffrir quâon les lui fasse voir ni quâon les voie.â Pascal, PensĂ©es, fr. S. 743. Or, prĂ©cisĂ©ment, Marcassin fait ce quâil peut pour cacher sa nature porcine et philautique Rhingrave jupon. Centre National du costume de scĂšne, ComĂ©die-Française Il se fit faire des rhingraves3 , des canons4 , un pourpoint parfumĂ©, car il avait toujours une petite odeur que lâon soutenait avec peine. Son manteau Ă©tait brodĂ© de pierreries, sa perruque dâun blond dâenfant, et son chapeau couvert de plumes. Il ne sâest peut-ĂȘtre jamais vu une figure plus extraordinaire que la sienne, et Ă moins que dâĂȘtre destinĂ©e au malheur de lâĂ©pouser, personne ne pouvait le regarder sans rire. âLe Prince Marcassinâ AveuglĂ© par sa vanitĂ© jusquâau ridicule, Marcassin tente en vain de dissimuler sa vraie nature corrompue en se parant de tenues de cour et se parfumant. Inutilement âcar il avait toujours une petite odeur quâon soutenait avec peineâ. Il nâest pas sans faire songer Ă ces fats dĂ©peints par La BruyĂšre, dont lâĆil perce assez facilement lâĂ©corce dâĂ©lĂ©gance prĂ©tendue, ainsi PhilĂ©mon âLâor Ă©clate, dites-vous, sur les habits de PhilĂ©mon [âŠ] il est habillĂ© des plus belles Ă©toffes [âŠ] Tu te trompes, PhilĂ©mon, si, avec ce carosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent et ces six bĂȘtes qui te traĂźnent, tu penses que lâon tâen estime davantage ; lâon Ă©carte tout cet attirail qui tâest Ă©tranger pour pĂ©nĂ©trer jusquâĂ toi qui nâest quâun fat.â La BruyĂšre, âDu MĂ©rite personnelâ, 27 Le conte merveilleux devient ici miroir, mais miroir de vĂ©ritĂ© qui met au jour le âvilain fond de lâhommeâ, tout de superbe et de bouffissure. Veuf une premiĂšre fois aprĂšs le suicide de sa premiĂšre Ă©pouse, mariĂ©e de force, notre Marcassin nâen devient que plus imbu de lui-mĂȘme et prĂ©tend Ă©pouser la sĆur de la dĂ©funte. A la reine sa mĂšre, qui le met en garde, il expose avec naĂŻvetĂ© la bonne opinion quâil a de lui-mĂȘme âJe vous assure, madame, lui dit le prince Marcassin avec un air fanfaron, que vous ĂȘtes la seule qui pensiez si dĂ©savantageusement de moi. Je ne vois personne qui ne me loue, et qui ne me fasse apercevoir que jâai mille bonnes qualitĂ©s.â âLe Prince Marcassinâ dĂ©clare le prince, bien fat, et aisĂ©ment persuadĂ© par les flatteurs de sa cour. La reine lui rĂ©pond par un sermon qui manifeste quâelle a lu ses moralistes âTels sont les courtisans, dit la reine, et telle la condition des princes. Les uns louent toujours, les autres sont toujours louĂ©s. Comment connaĂźtre ses dĂ©fauts dans un tel labyrinthe ? Ha ! que les Grands seraient heureux, sâils avaient des amis plus attachĂ©s Ă leurs personnes quâĂ leur fortune. â Je ne sais, madame, repartit Marcassin, sâils seraient heureux de sâentendre dire des vĂ©ritĂ©s dĂ©sagrĂ©ables. De quelque condition quâon soit, lâon ne les aime point. Par exemple, Ă quoi sert que vous me mettiez toujours devant les yeux quâil nây a point de diffĂ©rence entre un sanglier et moi ? Que je fais peur, que je dois me cacher ? Nâai-je pas de lâobligation Ă ceux qui adoucissent lĂ -dessus ma peine ? Qui me font des mensonges favorables, et qui me cachent les dĂ©fauts que vous ĂȘtes si soigneuse de me dĂ©couvrir ? âLe Prince Marcassinâ Une fois de plus, Marcassin apparaĂźt comme la prosopopĂ©e de lâamour-propre, incarnant la haine de la vĂ©ritĂ© et lâillusion volontaire qui le caractĂ©risent. Marcassin est lâillustration du fragment 743 des PensĂ©es âNous haĂŻssons la vĂ©ritĂ©, on nous la cache ; nous voulons ĂȘtre flattĂ©s, on nous flatte ; nous aimons Ă ĂȘtre trompĂ©s, on nous trompe. [âŠ] Lâhomme [âŠ] ne veut pas quâon lui dise la vĂ©ritĂ©â. Pascal, PensĂ©es, fr. S. 743 Face Ă lâamour-propre en personne, entichĂ© de lui-mĂȘme, la reine reprĂ©sente la figure du moraliste, dont le discours reste le plus souvent impuissant face Ă la corruption du cĆur. Elle reste dĂ©sarmĂ©e, incapable de dessiller les yeux de son fils, rĂ©duite Ă lâironie et Ă la satire pour seules et inutiles ressources âĂ source dâamour-propre, sâĂ©cria la reine, de quelque cĂŽtĂ© quâon jette les yeux, on te trouve toujours. Oui, mon fils, vous ĂȘtes beau, vous ĂȘtes joli, je vous conseille encore de donner pension Ă ceux qui vous en assurent.â âLe Prince Marcassinâ La reine connaĂźt lâuniversalitĂ© de lâamour-propre, et nâignore rien des mĂ©andres retors et tĂ©nĂ©breux du cĆur humain câest un âlabyrintheâ, dit-elle. âOn ne peut sonder la profondeur, ni percer les tĂ©nĂšbres de ses abĂźmesâ, Ă©crivait de mĂȘme La Rochefoucauld. Câest en fait toute la conversation entre la reine et le prince qui illustre la maxime 147 âPeu de gens sont assez sages pour prĂ©fĂ©rer le blĂąme qui leur est utile Ă la louange qui les trahitâ. LâĂ©chec de la reine Ă ouvrir les yeux du prince illustre le risque de faillite de lâentreprise moraliste, face Ă des ĂȘtres rĂ©tifs aux remontrances justifiĂ©es, qui prĂ©fĂšrent vivre dans lâillusion plutĂŽt que de reconnaĂźtre une vĂ©ritĂ© qui leur dĂ©plaĂźt. On le voit, le genre du conte se prĂȘte aisĂ©ment Ă un usage moral tant par les codes psychologiques simples qui le rĂ©gissent que par les conventions du merveilleux, il permet lâexhibition sans fard dâun amour-propre qui ne saurait jamais se donner Ă voir avec la mĂȘme franchise ni la mĂȘme nettetĂ© dans des nouvelles galantes soumises aux nĂ©cessitĂ©s de la vraisemblance. La reine, avec un humour amer, feint sans succĂšs dâentrer dans le jeu de la flatterie en vue dâen dĂ©noncer lâabsurditĂ© le Marcassin nâen dĂ©mordra pas et Ă©pousera la seconde sĆur, qui trĂ©passera elle aussi aprĂšs avoir tentĂ© de tuer son mari la nuit mĂȘme de ses noces. Le narcissisme du prince sâaccroĂźt jusquâau troisiĂšme mariage, qui finira par le dĂ©barrasser de sa peau de marcassin. Les morts ressusciteront, le conte finira bien Ă la faveur dâune fata ex machina, mais la possible guĂ©rison de lâamour-propre reste malgrĂ© tout incertaine le tour de passe-passe final nâest pas sans faire songer aux dĂ©nouements ambigus des comĂ©dies de MoliĂšre. La thĂ©matique de lâamour-propre et le traitement du prince en philaute sont absents du modĂšle italien ou des contes recueillis par les collectes elle correspond Ă un parti pris personnel de la conteuse. Quâen est-il des textes qui nous concernent plus directement ? Deux contes au caractĂšre moral affirmĂ© se rĂ©pondent, par les couleurs de leurs titres, et parce quâils sont insĂ©rĂ©s dans le mĂȘme rĂ©cit-cadre, âLe Nain Jauneâ et âSerpentin Vertâ. Seul le premier est inscrit dans notre programme, mais tous deux constituent un diptyque qui porte prĂ©cisĂ©ment sur la question de lâamour-propre, et par voie de consĂ©quence celle de lâĂ©ducation. Les deux contes sont insĂ©rĂ©s dans une nouvelle espagnole qui leur sert de cadre Don Fernand de TolĂšde, qui nâen comporte pas dâautre. Toute-Belle est, comme Marcassin, une incarnation de lâamour propre Ă©goĂŻste, cette belle indiffĂ©rente ne refuse les propositions de mariage que parce quâelle est Ă©prise de sa propre personne vaniteuse, elle aime ĂȘtre lâobjet dâattention de lâunivers entier, semblable en cela Ă PsychĂ© au dĂ©but du conte dâApulĂ©e. Elle se fait littĂ©ralement idole, sous le dĂ©guisement de la dĂ©esse Diane elle aspire Ă recevoir des hommages excessifs, qui ne sont dus quâĂ une divinitĂ©, littĂ©ralement âdes adorationsâ âLes adorations quâon avait pour elle ravissaient la reine ; il nây avait point de jour quâon ne reçût Ă sa cour sept ou huit mille sonnets, autant dâĂ©lĂ©gies, de madrigaux et de chansons, qui Ă©taient envoyĂ©s par tous les poĂštes de lâunivers. Toute-Belle Ă©tait lâunique objet de la prose et de la poĂ©sie des auteurs de son temps.â p. 215 On constate une nouvelle fois le rĂŽle de rĂ©vĂ©lateur des Ăąmes que joue le merveilleux les hyperboles invraisemblables quâautorise le genre âsept ou huit mille sonnetsâ permettent de mettre en lumiĂšre le caractĂšre insatiable et infini de lâamour-propre. Ce tempĂ©rament naturel de la princesse est aggravĂ© par une Ă©ducation trop complaisante en cĂ©dant aux caprices de sa fille, la mĂšre de Toute-Belle a flattĂ© sa vanitĂ© et son orgueil. La suite du conte montrera les funestes consĂ©quences de ce mauvais dĂ©part. Trahison de la parole donnĂ©e et jalousie seront des marques de ces mauvaises dispositions. Le roi des Mines dâor, qui accorde des largesses inconsidĂ©rĂ©es p. 224, trompe la fĂ©e du DĂ©sert en se mettant des mouches p. 230, et dissipe des nymphes Ă coups dâĂ©pĂ©e p. 236, nâest guĂšre un modĂšle dâhĂ©roĂŻsme non plus. On voit ici la vĂ©ritable fonction des opposants, et les nuances quâil convient peut-ĂȘtre dâapporter au schĂ©ma de Propp leur rĂŽle est moins dâagresser et de provoquer un mĂ©fait que de participer Ă cette tĂąche de dĂ©voilement qui est le propre du travail du moraliste. Le Nain jaune permet de mettre au jour, par son intervention, la faiblesse et la lĂąchetĂ© des deux hĂ©roĂŻnes, qui commettent la double faute dâaccepter son marchĂ© avant de le renier plus tard. Ce parjure est une infraction majeure aux codes nobiliaire, courtois et chevaleresque, comme le fait remarquer la fĂ©e du DĂ©sert âHo ! Ho ! Reine ! Ho ! Ho ! Princesse ! Vous prĂ©tendez donc fausser impunĂ©ment la parole que vous avez donnĂ©e Ă mon ami le Nain Jaune ?â p. 224. La fĂ©e du DĂ©sert rĂ©vĂšle aussi la propension au mensonge et Ă la dissimulation du roi des Mines dâor. Le conte connaĂźtra nĂ©anmoins un heureux dĂ©nouement, dâune certaine façon in extremis, les deux hĂ©ros vont dĂ©couvrir lâamour sincĂšre et altruiste, en acceptant mutuellement de se sacrifier lâun pour lâautre. âLaissez-moi, ma princesse, la consolation de mourir pour vous. â Je consens plutĂŽt, dit-elle au nain, Ă ce que vous souhaitez.â Cette conversion finale leur vaudra une apothĂ©ose qui les rĂ©unira au-delĂ de la mort, une fois changĂ©s en palmiers âconservant toujours un amour fidĂšle lâun pour lâautre, ils se caressent de leurs branches entrelacĂ©es, et immortalisent leurs feux par leur tendre union.â p. 238 Ce rĂŽle de rĂ©vĂ©lateur jouĂ© par les crĂ©atures enchantĂ©es sâĂ©tend dans les autres contes de notre corpus le cas le plus emblĂ©matique est celui de la fĂ©e Carabosse, dont la rĂ©putation lĂ©gendaire de mĂ©chancetĂ© est contredite par la rĂ©alitĂ© de ses mĂ©faits, simples malices ou mauvaises farces, les vrais ennuis de PrintaniĂšre nâĂ©tant causĂ©s que par ses propres passions et son intempĂ©rance Carabosse donne indirectement lâoccasion Ă PrintaniĂšre de basculer dans la dĂ©sobĂ©issance en Ă©coutant ses seules passions, sans que son amourette pour Fanfarinet puisse ĂȘtre imputĂ©e Ă ses enchantements. Mais on peut surtout opposer Toute-Belle Ă son pendant, Laideronnette, hĂ©roĂŻne de âSerpentin Vertâ Ă la toute belle sâoppose la toute laide. Le conte commence par une scĂšne des dons en apparence conventionnelle une reine convie les fĂ©es au baptĂȘme de sa fille, mais par mĂ©garde en oublie une, Magotine, vieille et revĂȘche. Celle-ci se venge dâavoir Ă©tĂ© maltraitĂ©e âje te doue, dit-elle, dâĂȘtre parfaite en laideurâ, puis elle sâĂ©chappe comme MĂ©lusine autrefois, en passant par une fenĂȘtre. Ses consĆurs tentent alors de rassurer la reine en lui promettant le bonheur de sa fille, ce qui ne satisfait pas complĂštement cette mĂšre Ă©plorĂ©e âElles tinrent un grand conseil et lui dirent ensuite dâĂ©couter moins sa douleur, parce quâil y avait un temps marquĂ© oĂč sa fille serait fort heureuse. Mais, interrompit la reine, deviendra-t-elle belle ? â Nous ne pouvons, rĂ©pliquĂšrent-elles, nous expliquer davantage.â â âSerpentin Vertâ Raymonde Robert considĂšre la scĂšne des dons comme un incipit topique, et mĂȘme dĂ©finitoire du conte de fĂ©es littĂ©raire français. Mais lorsquâon regarde le dĂ©tail du texte, on sâaperçoit que cet Ă©pisode inaugural nâest en rien interchangeable avec ceux qui ouvrent par exemple âLa Belle au bois dormantâ ou âLa Princesse PrintaniĂšreâ. Il met ici en place les conditions dâune dĂ©nonciation de la culture galante, condamnĂ©e pour sa frivolitĂ© au profit de valeurs plus solides dâabnĂ©gation et de sacrifice. Lâintervention de Magotine, toute mĂ©chante quâelle est, se rĂ©vĂšle en effet une chance objective pour lâhĂ©roĂŻne dâĂ©chapper Ă lâĂ©ducation dorĂ©e quâelle nâeĂ»t pas manquĂ© de recevoir et qui eĂ»t fait dâelle une autre Toute-Belle, vaniteuse et autocentrĂ©e, attachĂ©e comme sa mĂšre aux seules apparences la beautĂ© de sa fille est est plus importante Ă ses yeux que son bonheur. Magotine ne manque pas de dĂ©noncer sans ambages la superficialitĂ© de la reine, son jeunisme, sa fascination pour le brillant extĂ©rieur âil ne faut Ă votre Cour que de jolies personnes, bien faites et bien magnifiques comme sont mes sĆurs pour moi, je suis trop laide et trop vieilleâ. RĂ©primande cruelle, mais juste, dans laquelle on pourrait voir la marque dâun soupçon pesant sur lâensemble de la galanterie aulnĂ©sienne. Magotine reproche Ă la reine un fĂ©minisme sĂ©lectif, qui manque si lâon veut dâintersectionnalitĂ© une femme laide et ĂągĂ©e ne saurait ĂȘtre quâune vieille sorciĂšre Ă maintenir hors de la sphĂšre curiale. Cette dĂ©bauche de jolies nymphes, de princes tout parĂ©s de pierreries, cette cĂ©lĂ©bration de la jeunesse amoureuse sont minĂ©es par les vieilles fĂ©es acariĂątres mais qui peuvent Ă©noncer des vĂ©ritĂ©s, comme Magotine, ou Ecrevisse âbelle petite vieilleâ, dont lâair est âgalantâ, mais enfin vite oubliĂ©e par la reine qui lui prĂ©fĂšre Tulipe et ses amies, âles plus belles et les plus magnifiques qui aient jamais paruâ dans lâempire des fĂ©es p. 240-241. La reine aussi paiera chĂšre sa nĂ©gligence, pour avoir cĂ©dĂ© Ă la sĂ©duction des apparences, et mĂ©prisĂ© les personnes ĂągĂ©es p. 245. Dans âLe Serpentin Vertâ, loin dâinfliger un chĂątiment, Magotine rend Ă la princesse le plus signalĂ© des services en la douant de la laideur âparfaiteâ. Le prĂ©tendu âmĂ©faitâ dĂ©termine un itinĂ©raire qui permettra Ă lâhĂ©roĂŻne dâĂ©chapper aux griffes de lâamour de soi auquel semblait devoir la condamner sa condition princiĂšre. Laideronnette, rejetĂ©e de la sociĂ©tĂ© curiale, comprend vite quâelle nâa pas sa place dans un monde oĂč seule la splendeur et la gaietĂ© ont droit de citĂ©. Elle demande donc Ă quitter le palais et Ă rejoindre le âchĂąteau des Solitairesâ. On songe au dĂ©sert dâAlceste, mais aussi aux Granges de Port-Royal câest un lieu Ă©cartĂ© oĂč lâhĂ©roĂŻne peut vivre loin de lâhypocrisie des cours et de la folie du monde. A lâĂ©cart de la âmagnificence et de la galanterieâ, Laideronnette vit paisiblement dans une solitude studieuse oĂč la pratique des arts accompagne la formation de lâesprit Anne Vallayer-CosterAttributs de la musique1770. La peintre est parfois considĂ©rĂ©e comme reprĂ©sentative dâun ârococoâ pictural âLa princesse jouait des instruments et chantait divinement bien ; elle demeura deux ans dans cette agrĂ©able solitude, oĂč elle fit mĂȘme quelques livres de rĂ©flexionsâ. âSerpentin Vertâ Aux milliers de sonnets galants reçus passivement par la princesse du âNain Jauneâ, sâopposent les plus solides rĂ©flexions que cette jeune fille intelligente et pleine dâesprit compose elle-mĂȘme dans sa retraite. La princesse, rejetĂ©e par sa famille, passe ainsi ses annĂ©es de formation loin du monde et du bruit, volontairement Ă©loignĂ©e de la corruption des cours. Elle y gagne un solide sens moral qui lui permettra de rĂ©ussir les Ă©preuves que lui infligera Magotine, anti-VĂ©nus de cette anti-PsychĂ©. Au terme de bien des pĂ©rĂ©grinations, Laideronnette obtiendra le salut sous le nom de âReine DiscrĂšte,â câest-Ă -dire douĂ©e de jugement, la beautĂ© retrouvĂ©e ne venant que par surcroĂźt. En Ă©rigeant la laideur physique en don surnaturel Ă la faveur duquel lâhĂ©roĂŻne fait son salut, Madame dâAulnoy transcrit en termes de fĂ©erie une topique chĂšre aux moralistes et aux dĂ©vots ils estiment que la beautĂ© est un pĂ©ril pour les femmes, et mettent en garde les jeunes personnes contre les risques que leur fait courir leur beautĂ©. La laideur est un don de Dieu elle permet Ă la femme dâĂ©viter tout risque dâĂȘtre une idole, câest-Ă -dire de recevoir des âadorationsâ que, simple mortelle, elle ne saurait mĂ©riter. Jacqueline Pascal, sĆur de Blaise et enfant poĂšte, se rĂ©jouissait ainsi des atteintes que lui avait faites la petite vĂ©role dont elle avait Ă©tĂ© victime Ă lâadolescence5 . DĂ©figurĂ©e au sortir de la maladie, la jeune fille voyait dans son rĂ©cent enlaidissement un signe dâĂ©lection, dont elle rendit grĂące au Ciel Ah ! Que mon cĆur se sent heureux Quand au miroir je vois les creux Et les marques de ma vĂ©role. Je les prends pour sacrĂ©s tĂ©moins Que je ne suis pas de ceux que vous aimez le moins. Jacqueline Pascal Le faux mĂ©fait de Magotine est comme la transposition fĂ©erique de la petite vĂ©role qui frappait tant dâenfants Ă lâĂ©poque aux yeux de la reine, la laideur est une catastrophe qui exclut sa fille dâun univers privilĂ©giĂ© oĂč ne doit rĂ©gner que grĂące et beautĂ© ; mais en rĂ©alitĂ©, lâenlaidissement est une bĂ©nĂ©diction qui permet Ă la princesse dâĂ©chapper aux vanitĂ©s du monde. Magotine a sauvĂ© Laideronnette de la frivolitĂ©. Il nâest pas indiffĂ©rent dâailleurs que Magotine soit un des rares personnages de vieilles fĂ©es Ă bĂ©nĂ©ficier dâune fin heureuse, contaminĂ©e par la contagion de lâamour au dĂ©nouement â ou touchĂ©e par une grĂące âsurnaturelleâ qui la rend capable dâaltruisme et dâun bienfait gratuit, sans calcul, câest-Ă -dire âgĂ©nĂ©reuxâ au sens que ce mot pouvait avoir chez Corneille Cependant sa prĂ©sence [de lâAmour] inspira des sentiments si humains Ă la fĂ©e, quâencore quâelle en ignorĂąt la raison, elle reçut trĂšs bien ces illustres infortunĂ©s ; et faisant un effort de gĂ©nĂ©rositĂ© surnaturelle, elle leur rendit le royaume de Pagodie. âSerpentin Vertâ Chez la conteuse, le combat contre les vices et les passions dĂ©sordonnĂ©es passe souvent, comme chez La BruyĂšre, Pascal ou Boileau, par lâusage de la satire et dâun rire propre Ă stigmatiser la folie des hommes la coquetterie des belles et des Ă©lĂ©gants sur les rives du lac miroir, ou le costume de Marcassin suscitent un rire persifleur. Dans la retraite du ChĂąteau de Serpentin, Laideronnette Ă©coute le petit peuple des Pagodes lui rapporter des exemples de la folie des hommes ; pendant leurs voyages dans le monde, ces sages ont tellement de peine Ă sâempĂȘcher de rire quâils menacent dâĂ©clater Il y avait quelquefois des pagodes qui avaient le ventre si enflĂ© et les joues si bouffies, que câĂ©tait une chose surprenante. Quand elle leur demandait pourquoi ils Ă©taient ainsi, ils lui disaient Comme il ne nous est pas permis de rire ni de parler dans le monde, et que nous y voyons faire sans cesse des choses toutes risibles, et des sottises presque intolĂ©rables, lâenvie dâen railler est si forte que nous en enflons, et câest proprement une hydropisie de rire, dont nous guĂ©rissons dĂšs que nous sommes ici. » La princesse admirait le bon esprit de la gente pagodine ; car effectivement lâon pourrait bien enfler de rire, sâil fallait rire de toutes les impertinences que lâon voit. âSerpentin Vertâ Comme les moralistes, la conteuse adopte la posture railleuse et dĂ©mocritĂ©enne du satirique, dont le rire jaune apparaĂźt comme la seule rĂ©action saine face aux dĂ©rĂšglements du monde. Conclusion Madame dâAulnoy est-elle une moraliste ? Manifeste-t-elle une sincĂšre volontĂ© dâuser du conte de fĂ©es pour sonder le labyrinthe du cĆur Ă fin de le rĂ©former ou du moins de mieux le comprendre ? Ou met-elle simplement en place une stratĂ©gie Ă©ditoriale destinĂ©e Ă lĂ©gitimer le conte Moderne ? Dans tous les cas, nous la voyons de facto amenĂ©e Ă mettre en cause la culture galante et curiale au nom dâune Ă©thique proche de celle dĂ©veloppĂ©e par des moralistes quâelle a lus de prĂšs. Marie-AgnĂšs Thirard a montrĂ© de façon trĂšs convaincante que la conteuse ne mettait en scĂšne la pastorale que pour la subvertir6 . Nadine Jasmin parle de âruine de lâillusion pastoraleâ7 . Peut-on se risquer Ă dĂ©celer, de mĂȘme, et plus gĂ©nĂ©ralement, une âruine des illusions galantesâ ? La culture mondaine ne serait alors mise en scĂšne avec une telle exubĂ©rance et une telle insistance que pour ĂȘtre minĂ©e de lâintĂ©rieur. Le miroir de âLâOiseau bleuâ, sâil est une allĂ©gorie de lâamour-propre, peut aussi apparaĂźtre comme une mise en abyme du conte, lui-mĂȘme miroir embellissant offrant Ă une caste privilĂ©giĂ©e un reflet avantagĂ© de sa propre existence. Florine apprend Ă sâen dĂ©fier, et accepte de revĂȘtir les hardes Mie-Souillon. Dans Le Prince Marcassin, comme dans le diptyque que constituent Le Nain Jaune et Serpentin Vert, la conteuse interroge aussi le bien-fondĂ© de cet art de vivre mondain fondĂ© sur le luxe, les apparences, et le triomphe de la jeunesse. Certains contes se prĂȘtent sans doute mieux Ă cette critique que dâautres, oĂč la conteuse assure de façon moins suspecte le succĂšs des valeurs aristocratiques et chevaleresques âLe Rameau dâorâ paraĂźt jeter par exemple un regard moins suspicieux sur la vieille Ă©thique courtoise revivifiĂ©e par la PrĂ©ciositĂ© et la galanterie. Encore quâon puisse en discuter les vertus ne sont le plus souvent que des vices dĂ©guisĂ©s, et lâon pourrait Ă la lumiĂšre de La Rochefoucauld interprĂ©ter Ă son dĂ©savantage les prĂ©tendues qualitĂ©s dâun Percinet. Quoi quâil en soit, lâexistence de contes oĂč lâintention morale est incontestable suffit Ă manifester que la surenchĂšre systĂ©matique du luxe et du raffinement rococo ne saurait se rĂ©duire Ă une simple et naĂŻve autocĂ©lĂ©bration Ă destination dâune caste de favorisĂ©s. Maxime supprimĂ©e, 1, 1664. [â©] [â©] Les Contes de Perrault et leur sens second lâĂ©loge de la modernitĂ© du siĂšcle de Louis le Grand », Revue dâhistoire littĂ©raire de la France, 2014/4 Vol. 114, p. 775-796. DOI URL [â©] Rhingrave sorte de jupe-culotte. [â©] Canon sorte de culotte plissĂ©e en dentelles, raillĂ©e par MoliĂšre dans LâEcole des maris. [â©] Sur le flĂ©au que reprĂ©sentait cette maladie Ă lâĂ©poque, voir Anne-Claire Josse-Volongo qui a consacrĂ© Ă cette question une âMinuteâ de Port-Royal, [â©] Marie-AgnĂšs Thirard, âLâinfluence de la Pastorale dans les Contes de Madame dâAulnoyâ, Tricentenaire Charles Perrault, Paris, In Press, 1998. [â©] Mots et Merveilles, op. cit., p. 145. [â©] Voici quelques liens vers des Ă©vĂ©nements et publications en rapport avec notre programme Deux confĂ©rences Ă retrouver en podcasts Ă lâuniversitĂ© dâAix-Marseille Cyril Aslanov sur les archaĂŻsmes et les nĂ©ologismes chez Perrault et Aulnoy ; et Constance Cagnat, sur les proverbes dans notre corpus voir cette page. Les textes sont Ă©galement disponibles sous ce lien. Une soutenance de thĂšse Valentine Damay-Vissuzaine soutiendra le 4 fĂ©vrier 2022 une thĂšse intitulĂ©e âLâĂclat des contes de fĂ©es. Mme dâAulnoy, Mme de Murat, Mme de La Force et le Chevalier de Maillyâ voir cette page Un article de Karine Abiven, paru dans LâInformation grammaticale lâan dernier et dĂ©jĂ disponible sur HAL Trois articles dans la derniĂšre livraison dâOp. cit, par HĂ©lĂ©na Taylor, Eric MĂ©choulan et Jean-Paul Sermain ⊠et bien sĂ»r âle conte Ă la lisiĂšre de la littĂ©rature moraleâ, notre journĂ©e Ă lâENS, dĂ©jĂ mentionnĂ©e et accessible en vidĂ©o sur Youtube Tout dâabord, je vous prĂ©sente tous mes meilleurs vĆux pour 2022, de santĂ© bien sĂ»r, dâabord, et de rĂ©ussite ensuite! Quelques prĂ©cisions pour la journĂ©e du 15 janvier prĂ©cĂ©demment annoncĂ©e malgrĂ© lâabsence de soutien technique le jour J Ă lâENS, les organisatrices et organisateurs vont tenter, avec les moyens du bord, une diffusion en direct sur Youtube avec interaction possible par chat. Si tout se passe bien, la journĂ©e sera diffusĂ©e sur la chaĂźne de la SociĂ©tĂ© des Amis de Port-Royal, en principe Ă lâadresse suivante â-> Si nous rencontrons des problĂšmes techniques, nous vous tiendrons informĂ©es ici mĂȘme sur cette page. Nous ferons vraiment tout notre possible pour permettre au public de profiter de cette journĂ©e Ă distance, pour celles et ceux qui ne pourraient se rendre Ă lâENS. Edit 16/01 malgrĂ© une plate-forme technique artisanale, la journĂ©e a pu ĂȘtre proposĂ©e Ă distance, et restera accessible sur la chaĂźne des âMinutes de Port-Royalâ. Merci aux confĂ©rencieres⊠et aussi aux participantes sur Youtube, pour leur dynamisme et leur rĂ©activitĂ© dans le chat! Dans la seconde moitiĂ© du XVIIe siĂšcle, le genre mondain et moderne par excellence Ă©tait lâopĂ©ra, inventĂ© Ă Florence vers 16001 . Mazarin travailla dĂšs 1645 Ă lâacclimatation en France de cet art inventĂ© en Italie il fit venir Ă cette fin lâingĂ©nieur vĂ©nitien Giacomo Torelli et le chorĂ©graphe Giovan Battista Balbi. DĂ©cor pour lâacte II dâAndromĂšde de Corneille, piĂšce Ă machines donnĂ©e au Petit-Bourbon le 1er fĂ©vrier 1650. Gravure de 1651. Cliquer sur lâimage pour agrandir. Avec la collaboration de Torelli, Pierre Corneille fit jouer en 1650 AndromĂšde, premiĂšre piĂšce Ă machines, provoquant lâĂ©blouissement dâun public avide de merveilleux. Dans ce type dâĆuvres, les intrigues cĂšdent le pas aux plaisirs des sens et particuliĂšrement des yeux, comme le concĂ©dait Corneille au seuil dâAndromĂšde âLa beautĂ© de la reprĂ©sentation supplĂ©e au manque des beaux vers [âŠ], mon principal but Ă Ă©tĂ© de satisfaire la vue par lâĂ©clat et la diversitĂ© du spectacle [âŠ] cette piĂšce nâest que pour les yeux.â Voiture rendit compte dans un sonnet Ă Mazarin de lâimpression de fĂ©erie qui se dĂ©gageait de ces mises en scĂšne Quelle docte CircĂ©, quelle nouvelle Armide, Fait paraĂźtre Ă nos yeux ces miracles divers, Et depuis quand les corps par le vague des airs Savent-ils sâĂ©lever dâun mouvement rapide ? OĂč lâon voyait lâazur de la campagne humide, Naissent des fleurs sans nombre et des ombrages vers, Des globes Ă©toilĂ©s les palais sont ouverts, Et les gouffres profonds de lâempire LâopĂ©ra français proprement dit naquit en 1673, lorsque Philippe Quinault et Jean-Baptiste Lully créÚrent Ă lâAcadĂ©mie royale de musique Cadmus et Hermione, inspirĂ© des MĂ©tamorphoses dâOvide lâinvention du rĂ©citatif permettait la mise en cohĂ©rence parfaite de lâaction dramatique, des airs, des chĆurs et de la danse. Les partisans des Anciens dĂ©testĂšrent aussitĂŽt ce type de spectacle, sans modĂšle antique, hybride, mĂ©langeant les genres, miĂšvre, littĂ©rairement faible, aux intrigues simplifiĂ©es, et dont le prĂ©texte mythologique masquait mal lâattention accordĂ©e Ă la peinture dĂ©licate des tourments et des plaisirs de lâamour. Boileau garda le silence sur lâopĂ©ra dans LâArt poĂ©tique 1674, et La Fontaine railla son succĂšs selon lui provisoire, tout juste propre Ă plaire quelque temps au bourgeois âDes Machines dâabord le surprenant spectacle / Ăblouit le Bourgeois et fit crier miracle ; / Mais la seconde fois il ne sây pressa plus [âŠ].â EpĂźtre Ă Monsieur de Niert, sur lâopĂ©ra, 1677 Cadmus et Hermione, mise en scĂšne historiquement informĂ©e Vincent Dumestre et Benjamin Lazar, 2009. Cliquer pour agrandir. Du cĂŽtĂ© des Modernes, il en alla tout autrement. Le public fĂ©minin et mondain rĂ©serva un accueil triomphal Ă ce nouveau divertissement oĂč rĂ©gnaient sans partage sentiments, surprises, enchantements des yeux et des oreilles. Aussi, lorsque les conteuses et les conteurs se mirent Ă Ă©crire des contes de fĂ©es, câest tout naturellement dans les prestiges de lâopĂ©ra que leur inspiration alla puiser le modĂšle de leurs enchantements. Idem. Câest ainsi un opĂ©ra que Percinet offre comme divertissement Ă Gracieuse, pourvu de toutes les sĂ©ductions propres Ă ce genre âCâĂ©taient les Amours de PsychĂ© et de Cupidon, mĂȘlĂ©s de danses et de petites chansonsâ p. 62. Gracieuse le regarde comme un âenchantementâ p. 63. Vers, musique et danse sont ici mis au service dâune histoire dâamour tendre et dĂ©licate, sur un thĂšme bien connu en 1678, Thomas Corneille, jeune frĂšre de Pierre, et Bernard de Fontenelle, qui devait devenir lâun des plus ardents partisans de la cause moderne, avaient Ă©crit le livret dâun opĂ©ra intitulĂ© PsychĂ©, dâaprĂšs la tragĂ©die-ballet Ă©ponyme de MoliĂšre 1671, sur une musique de Lully. Madame dâAulnoy peut ainsi rendre un quadruple hommage Ă Corneille, MoliĂšre, Lully, mais aussi La Fontaine, Ancien Ă la fois enviĂ© et respectĂ©, auteur dâun roman PsychĂ© dont la prĂ©sence dans son Ćuvre est obsĂ©dante. On trouve dâautres rĂ©fĂ©rences littĂ©rales Ă lâopĂ©ra dissĂ©minĂ©es dans les contes ainsi, lors de lâentrĂ©e de Fanfarinet, âsix joueurs de flĂ»te [âŠ] jouaient les plus beaux airs de lâopĂ©ra, et six hautbois rĂ©pondaient par Ă©chosâ p. 139. Dâune façon plus gĂ©nĂ©rale, les scĂ©nographies opĂ©ratiques contaminent toutes les formes du merveilleux fĂ©erique. Idem. Les effets spĂ©ciaux et les machines, tout dâabord, constituent la dette la plus remarquable des contes envers lâopĂ©ra ainsi les chariots volants des fĂ©es, tirĂ©s par des animaux fabuleux, quâon trouve dans âLa Belle au bois dormantâ on vit arriver la fĂ©e âdans un chariot tout de feu, traĂźnĂ© par des dragonsâ, p. 189, sont encore plus complaisamment dĂ©crits par Madame dâAulnoy. Celle-ci imagine toutes sortes de âbeaux chariot dâorâ p. 154, tirĂ©s par des pigeons p. 123, des cygnes p. 228, des chauve-souris p. 155, ou des âgrenouilles volantesâ p. 116. Les fĂ©es de La Biche au bois entrent en scĂšne comme lors des âentrĂ©esâ des divinitĂ©s Ă lâopĂ©ra Sur-le-champ elle vit arriver les fĂ©es. Chacune avait son chariot de diffĂ©rente maniĂšre lâun Ă©tait dâĂ©bĂšne, tirĂ© par des pigeons blancs ; dâautres dâivoire, que de petits corbeaux traĂźnaient ; dâautres encore de cĂšdre et de canambou. CâĂ©tait lĂ leur Ă©quipage dâalliance et de paix ; car, lorsquâelles Ă©taient fĂąchĂ©es, ce nâĂ©tait que des dragons volants, que des couleuvres, qui jetaient le feu par la gueule et par les yeux ; que lions, que lĂ©opards, que panthĂšres. p. 243. Ces âchariots de feuâ qui âsâenvol[ent] dans lâairâ p. 135 sont imaginĂ©s sur le modĂšle des machines de théùtre, telles que les dĂ©crivent dĂ©jĂ les indications dâAndromĂšde, oĂč se trouve, explique la prĂ©face, âune machine volanteâ âSur un des sommets de la montagne paraĂźt MelpomĂšne, la muse de la tragĂ©die, et Ă lâopposite dans le ciel, on voit le Soleil sâavancer dans un char tout lumineux, tirĂ© par les quatre chevaux quâOvide lui donne.â3 . Jean BĂ©rain, MĂ©dĂ©e dans son char tirĂ© par des dragons, pour lâopĂ©ra ThĂ©sĂ©e Quinault et Lully, 1675. MusĂ©e du Louvre. Cliquer sur lâimage pour agrandir. Il en va dans les contes comme AndromĂšde, oĂč les machines âne sont pas [âŠ] comme des agrĂ©ments dĂ©tachĂ©s ; elles [âŠ] font le nĆud et le dĂ©nouement, et y sont si nĂ©cessaires que vous nâen sauriez retrancher aucune que vous ne fassiez tomber tout lâĂ©difice.â Les dessins des accessoires dâopĂ©ras manifestent avec Ă©vidence la source de lâimaginaire fĂ©erique de nos conteurs BĂ©rain dessina par exemple de somptueux chars volants tirĂ©s par des animaux fantastiques, comparables en tout point Ă ceux de nos rĂ©cits. Jean BĂ©rain, ThĂ©tis dans son char marin pour lâopĂ©ra Alceste 1674. Vers 1677/1678. MusĂ©e du Louvre. La musique et les chants sont indispensables aux plaisirs des grands, et accompagnent tous leurs divertissements. Florine et son Oiseau, rĂ©unis Ă lâinsu de Truitonne, entonnent un âpetit concertâ, vĂ©ritable piĂšce dâopĂ©ra, âun air Ă deux partiesâ dont la conteuse nous donne les paroles p. 110. Il nâest pas jusquâaux oiseaux du âRameau dâorâ qui ne fassent rĂ©sonner de âdoux concertsâ p. 194. Chez Perrault, dĂšs son rĂ©veil, la princesse est accompagnĂ©e dâun concert de musique ancienne p. 195 ; dans Gracieuse et Percinet, au contraire, la princesse sâendort au son de la musique p. 62-63. Jean BĂ©rain, costume du fleuve Sangar pour lâopĂ©ra Atys de Lully 1676. MusĂ©e CondĂ© de Chantilly. Cliquer sur lâimage pour agrandir. Les vĂȘtements chamarrĂ©s de nos personnages sont eux aussi conçus sur le modĂšle des costumes dâopĂ©ra, ainsi celui de Fanfarinet âFanfarinet avait un habit tout en broderie, des perles, des bottes dâor, des plumes incarnates, des rubans partout, et tant de diamants car le roi Merlin en avait des chambres pleines que le soleil brillait moins que lui.â p. 139. Les acteurs de théùtre, et plus encore les chanteurs dâopĂ©ra, portaient eux aussi de somptueux habits, comme en tĂ©moignent Ă©galement les dessins de BĂ©rain, ainsi celui dessinĂ© pour le rĂŽle de Sangar, personnage dâAtys 1676 âLâEnchanteur de lâopĂ©raâ, in Nicolas et Robert Bonnart. Jean BĂ©rain et J. Lepautre, Recueil de costumes, Paris, vers 1700. Cliquer sur lâimage pour agrandir. La description par Sabine Chaouche des festivitĂ©s organisĂ©es par lâIntendance des Menus Plaisirs administration chargĂ©e de prĂ©parer les divertissements royaux, qui souligne la proximitĂ© entre opĂ©ra et fĂ©erie, convient aussi pour dĂ©finir lâesthĂ©tique des contes de fĂ©es de la fin du siĂšcle Machines volantes capables de sidĂ©rer le public, dĂ©cors scintillants et rĂ©verbĂ©rant les flammes des chandelles, habits Ă©blouissants, magnifiques » comme se plaĂźt Ă le souligner lâintendant Ă de nombreuses reprises, faits de tissus brillants comme le satin, ornĂ©s de perles, de franges ou de galons dâor⊠la politique des Menus Plaisirs privilĂ©giait clairement lâaspect visuel, au dĂ©triment du texte. Elle illustrait une forme dâobsession pour la culture matĂ©rielle que cela soit la parure des acteurs et des danseurs, ou par les objets et la reprĂ©sentation dâespaces fĂ©eriques et luxueux, ceux des palais princiers, rappelant, voire reflĂ©tant constamment la position sociale des spectateurs. Câest par rapport au paradigme opĂ©ratique quâil faut considĂ©rer le merveilleux des contes la nature est inspirĂ©e par les toiles peintes, les sortilĂšges par les machines, les vĂȘtements par les costumes de scĂšne. Ballets, feu dâartifices, fĂȘtes de cour constituent le cadre de rĂ©fĂ©rence du merveilleux dans les Ćuvres au programme. Nous sommes, chez dâAulnoy mais aussi chez Perrault, trĂšs, trĂšs loin du folklore et des traditions orales ou populaires nous sommes dans lâunivers des merveilles de la cour, pour reprendre le titre du site que Marine Roussillon et son Ă©quipe consacrent aux divertissements curiaux. Le monde des contes est un théùtre, ou plutĂŽt, comme lâĂ©crit Raymonde Robert, âle spectaculaire [âŠ] est devenu le fondement de toutes les valeursâ4 . Les conteurs deviennent des ordonnateurs de fĂȘtes, intendants des Menus Plaisirs Ă destination de leur public friand de spectacles fastueux, et nostalgiques des fĂȘtes magnifiques que donnait Louis XIV au temps de sa jeunesse, comme âLes Plaisirs de lâĂle enchantĂ©eâ 1664, lâun des divertissements royaux les plus extraordinaires du rĂšgne, qui prenaient dĂ©jĂ pour thĂšme une magicienne Alcine, personnage du Roland furieux de lâArioste. Le rĂšgne des fĂ©es et des magiciens ne commence pas en 1690 les contes hĂ©ritent dâun goĂ»t pour les enchantements qui traverse toute la pĂ©riode. Le XVIIe siĂšcle fut tout entier le siĂšcle des merveilles, dont les contes offrent la plus splendide transposition littĂ©raire. Feu dâartifice accompagnant la destruction du palais de la magicienne Alcine, dĂ©nouement des âPlaisirs de lâĂźle enchantĂ©eâ 1664. IsraĂ«l Silvestre et François Chauveau, musĂ©e de Versailles. Cliquer sur lâimage pour agrandir. âTout ce que lâancienne GrĂšce nous vanteâ p. 61 mythologie et modernitĂ© Câest la rĂ©fĂ©rence Ă lâopĂ©ra qui nous permet de mieux saisir le rĂŽle et la place de la mythologie greco-latine dans nos contes. La mythologie classique la âfableâ, ainsi quâon disait au XVIIe siĂšcle est bien prĂ©sente dans les contes de Madame dâAulnoy enchanteurs et fĂ©es mĂ©diĂ©vaux y cĂŽtoient, entre autres, VĂ©nus p. 52, PsychĂ© et Cupidon p. 62, Tisiphone p. 226, les GrĂąces p. 257, la dĂ©esse Aurore p. 184, des nymphes p. 62, 227, 236 et une sirĂšne p. 232, tandis que Toute-Belle, comme les dames des salons, pratique le cosplay mythologique, âpresque toujours vĂȘtue en Pallas ou en Dianeâ p. 214, de mĂȘme que DĂ©sirĂ©e, âvĂȘtue en chasseuseâ p. 279. La moisson serait bien plus impressionnante encore si lâon prenait en compte lâensemble du corpus, oĂč se pressent par exemple un centaure bleu, Jason et les Argonautes, Eole et ZĂ©phyr, Antoine et ClĂ©opĂątre, ou encore une hybride, la âFĂ©e Amazoneâ. Aux rĂ©fĂ©rences explicites sâajoutent des allusions moins Ă©videntes, mais tout aussi essentielles le Rameau dâor rappelle celui de la Sibylle de Cumes, grĂące auquel EnĂ©e, chez Virgile, peut pĂ©nĂ©trer dans le royaume des morts EnĂ©ide, chant VI. Lâhistoire de PsychĂ©, issue dâApulĂ©e et reprise par La Fontaine, est un fil rouge narratif chez Madame dâAulnoy, qui réécrit cette histoire Ă trois reprises âGracieuse et Percinetâ, âLe Serpentin vertâ, âLe Moutonâ, mais elle ne lâest pas moins chez Perrault, si lâon en croit Ute Heidmann celle-ci entend des Ă©chos de PsychĂ© dans âLa Belleâ, âLe Petit Chaperonâ et âLa Barbe bleueâ5 . PsychĂ© nâest pas non plus sans prĂ©senter de troublantes ressemblances avec Toute-Belle, admirĂ©e de lâunivers entier p. 215, rappelle lâĂ©moi universel suscitĂ© par lâhĂ©roĂŻne dâApulĂ©e au seuil du conte latin, et plus loin, la scĂšne du âNain Jauneâ oĂč la reine, porteuse dâun panier, tente dâamaouder des monstres en leur offrant un gĂąteau de miel, Ă©voque lâĂ©pisode oĂč lâhĂ©roĂŻne antique affronte CerbĂšre, avec plus de succĂšs que la reine de notre conte. Cette omniprĂ©sence des rĂ©fĂ©rences antiques et mythologiques peut surprendre dans les contes âmodernesâ de Madame dâAulnoy lâabsence au moins apparente des dieux, nymphes et dĂ©esses paraĂźt, chez Perrault, plus cohĂ©rente avec son combat contre les Anciens. La rĂ©alitĂ© est plus complexe les opĂ©ras, genre moderne par excellence comme on lâa vu, sont tous bĂątis sur des sujets mythologiques, et nâen ont pas plu pour autant aux dĂ©fenseurs de lâAntiquitĂ©. Comme lâa montrĂ© Nadine Jasmin6 , plus que le thĂšme fabuleux en lui-mĂȘme, câest le traitement des mythes qui distingue lâattitude moderne dans son rapport Ă lâhĂ©ritage grĂ©co-latin. Madame dâAulnoy, certes, multiplie les allusions, mais presque toujours pour discrĂ©diter les crĂ©atures antiques, et afficher la supĂ©rioritĂ© de la culture mondaine et galante. Les comparaisons tournent toujours en faveur de la modernitĂ©, dont lâesthĂ©tique comme la technologie surpassent celles des Anciens. Ainsi, les frises racontant lâhistoire de Gracieuse sont si finement sculptĂ©es et âdâun travail si fini que les Phidias et tout ce que lâancienne GrĂšce nous vante nâauraient pu lâapprocherâ p. 61. LâhĂ©roĂŻne elle-mĂȘme surclasse par sa beautĂ© la dĂ©esse de lâAmour en personne âVĂ©nus, mĂšre des Amours, aurait Ă©tĂ© moins belleâ p. 52. PrintaniĂšre est une belle matineuse dans le goĂ»t prĂ©cieux7 , dont la beautĂ© Ă©clipse celle de la dĂ©esse Aurore au point de tromper les Ă©toiles p. 156. La fille de lâempereur de Matapa, dans âBelle-Belleâ, qui a âvaincu tous ceux qui ont voulu [lui] disputer le prix de la courseâ, lâaurait emportĂ© sur Atalante mĂȘme p. 324. Le terme dâamazone est pĂ©joratif lorsquâil dĂ©signe la sĆur de Belle-Belle p. 285. La sirĂšne, pour le malheur du roi des Mines dâor et de Toute-Belle, Ă©choue face Ă la fĂ©e comme le suggĂšre Nadine Jasmin, cet Ă©chec emblĂ©matise la faillite du merveilleux mythologique devant le merveilleux mĂ©diĂ©val. Quant Ă Louis XIV, âle plus grand roi du mondeâ, il lâemporte sur le dieu de la guerre lui-mĂȘme, âle dĂ©mon de Thraceâ, p. 246 Madame dâAulnoy cĂ©lĂšbre dans ses contes la grandeur du âSiĂšcle de Louis Le Grandâ. On constate aussi que les divinitĂ©s mythologiques infernales viennent volontiers au secours des mauvaises fĂ©es, comme les Furies, assistantes de Grognon p. 57, et auxquelles sont aussi comparĂ©es Truitonne et sa mĂšre p. 111. âLe Nain jauneâ confirme le discours des thĂ©ologiens, qui prĂ©tendent quâelles sont en rĂ©alitĂ© des dĂ©mons dĂ©guisĂ©s, comme la FĂ©e du DĂ©sert, vĂ©ritable diable, comme le montre lâimpossibilitĂ© de dĂ©guiser son pied en forme de âgriffonâ, et fausse nymphe p. 227. Enfin, lorsque la conteuse cite Ovide p. 152, elle choisit des vers des Amours dans la traduction la plus moderne et la plus galante, celle de Jean Barrin Les EpĂźtres et toutes les Ă©lĂ©gies amoureuses dâOvide, Paris, Claude Audinet, 1676, . La citation possĂšde une valeur polĂ©mique Ă la faveur dâOvide, introduit en badinant et sans pĂ©dantisme aucun, la conteuse oppose aux Anciens une AntiquitĂ© galante, plus souriante, plus enjouĂ©e, moins sĂ©rieuse et compassĂ©e que celle promue par Boileau et ses amis. Ainsi sâachĂšve, au moins provisoirement et pour lâessentiel, le prĂ©sent carnet jâavais Ă cĆur de faire le tour des questions principales avant lâĂ©crit de lâinterne. Les derniers billets, âRĂ©solument Modernesâ correspondent, je pense, Ă des attentes du jury. Les questions de la galanterie et de la modernitĂ© doivent faire lâobjet dâune attention tout particuliĂšre dans la prĂ©paration. Merci Ă toutes celles et ceux qui me font lâamitiĂ© de me suivre, bonnes fĂȘtes de fin dâannĂ©e, et Ă bientĂŽt, pour la prĂ©paration Ă lâoral! Godfried Maes 1649-1700, PhaĂ«ton dans le char de son pĂšre, vers 1700 Sur les contes de fĂ©es et lâopĂ©ra Raymonde Robert, âLe monde comme spectacle les contes de fĂ©es et lâopĂ©raâ, in Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 388-403. Sur lâopĂ©ra quelques prolongements en ligne Marine Roussillon et alii, Merveilles de la cour. Technique, esthĂ©tique et politique des divertissements de cour, Sabine Chaouche, âMenus Plaisirs et grands spectacles au XVIIe et au XVIIIe siĂšcleâ, The French Mag. Performance and drama, 2016, Sandra Galand-Lecardonnel, âSpectacle et comĂ©die lâapport des piĂšces Ă machines au XVIIe siĂšcleâ, 2021, Site web du Centre de Musique baroque de Versailles LâOrfeo, de Monteverdi, date de 1607. [â©] âA Monseigneur le cardinal Mazarin, sur la comĂ©die des machinesâ, in Nouvelles Ćuvres de Monsieur Voiture, Paris, A. CourbĂ©, 1658. [â©]MoliĂšre, Ćuvres complĂštes, dir. G. Forestier et C. Bourqui, Paris, Gallimard, 2010, vol. 1, p. 526. [â©] Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 403 [â©] Voir Ute Heidmann, ExpĂ©rimentation gĂ©nĂ©rique et dialogisme intertextuel Perrault, La Fontaine, ApulĂ©e, Straparola, Basile », FĂ©eries, 8 2011, URL [â©] Mots et merveilles, op. cit., p. 33-81. [â©] On peut songer au sonnet de Vincent Voiture sur ce thĂšme, et qui sâachĂšve par ce tercet âLâOnde, la terre et lâair sâallumaient alentour / Mais auprĂšs de Philis on le prit pour lâAurore, / Et lâon crut que Philis Ă©tait lâastre du jourâ [â©] La magnificence Ă pour corollaire la galanterie, entendue comme forme de sociabilitĂ© lettrĂ©e. Les hĂ©ros positifs des contes sont polis, honnĂȘtes et civils DĂ©sirĂ©e sâexprime âavec toute la politesse quâon devait attendre dâune personne si bien Ă©levĂ©eâ p. 279, et Belle-Belle-FortunĂ© rĂ©pond aux rĂ©vĂ©rences âdâun air honnĂȘte et civilâ p. 290, et prend garde de respecter lâĂ©tiquette et les codes de conduite p. 310. Riquet, louĂ© parce quâil est âspirituelâ, aborde la princesse avec âtoute la politesse imaginableâ et lui fait ses âcomplimentsâ p. 277. Politesse et honnĂȘtetĂ© sont les critĂšres discriminants de la vertu dans âLes FĂ©esâ de Perrault, oĂč lâhĂ©roĂŻne est âsi belle, si bonneâ et surtout âsi honnĂȘteâ p. 252 au contraire de sa sĆur, qui nâest âguĂšre honnĂȘteâ p. 253. Jâavais tentĂ© de montrer jadis que Cendrillon peut se lire comme une allĂ©gorie de la civilitĂ© jây renvoie le lecteur curieux1 . Le nom mĂȘme de Gracieuse manifeste que celle-ci possĂšde cette qualitĂ© mondaine essentielle quâest la grĂące, donnĂ©e comme suprĂȘme vertu et âvrai don des fĂ©esâ dans la moralitĂ© de âCendrillonâ p. 269. Les opposantes et les opposants sont bien sĂ»r privĂ©s de ces qualitĂ©s et constituent des anti-modĂšles ils manquent de goĂ»t vestimentaire ainsi la FĂ©e du DĂ©sert, avec sa âfraise de taffetas noirâ, son âchaperon de velours rougeâ et âun vertugadin en guenilleâ, p. 224. Ils sont aussi incapables de maĂźtriser leurs corps Truitonne qui ârit comme une perdueâ, le rire aux Ă©clats Ă©tant considĂ©rĂ© comme indĂ©cent, et soulignĂ© par lâemploi dâune expression familiĂšre p. 125. La vie des princes et des princesses, honnĂȘte, galante et raffinĂ©e, nâest pas une existence vouĂ©e au dĂ©sĆuvrement si lâon aime ârire et chanterâ p. 166, et si lâon y joue Ă la bassette et au tric-trac p. 166 et 180, lâessentiel du temps libre est consacrĂ© Ă la poĂ©sie, Ă la musique, au loisir lettrĂ©, tel que le dĂ©crit Alain GĂ©netiot dans sa PoĂ©tique du loisir mondain2 . Les princes sont valeureux, mais ils sont aussi et surtout des esthĂštes capables dâapprĂ©cier lâart dont ils sont entourĂ©s Torticoli, dans sa tour, goĂ»te âlâexcellence des peinturesâ p. 183. MĂȘme dans sa prison, la littĂ©rature tient une place essentielle Torticoli obtient de se dĂ©sennuyer grĂące aux livres qui se trouvent dans la bibliothĂšque de la tour p. 178, et GiroflĂ©e projette âdâacheter des livres pour [âŠ] divertirâ sa maĂźtresse p. 269. Avenant ne se dĂ©place jamais sans son Ă©critoire, pour garder trace des belles âpensĂ©esâ qui pourraient traverser son esprit p. 78. Les dames occupent une place Ă©minente dans cet univers curial brillant et cultivĂ© Gracieuse reçoit la meilleure Ă©ducation auprĂšs de âpersonnes savantes, qui lui apprenaient toutes sortes de sciencesâ p. 49. DĂ©sirĂ©e nâest âpas ignorante et stupideâ p. 246, Florine chante p. 110, Brillante rĂ©pond en vers Ă Sans-Pair p. 199, et toutes maĂźtrisent lâart de la conversation, dont Mademoiselle de ScudĂ©ry avait Ă©maillĂ© ses romans et composĂ© des recueils3 ainsi Florine et le roi Charmant, dont un premier duo est interrompu par Truitonne p. 94, mais qui retrouvent ensuite dans âleur cĆur et leur espritâ, matiĂšre Ă dâinĂ©puisables âsujets de conversationâ p. 109. Chez Perrault, dans âRiquet Ă la houppeâ, la princesse, dĂšs quâelle se trouve pourvue dâesprit, lâemporte aussitĂŽt sur son prĂ©tendant dans cet exercice qui exige brio et Ă propos et convient si bien aux femmes Elle commença, dĂ©s ce moment, une conversation galante et soutenue avec Riquet Ă la Houppe, oĂč elle brilla dâune telle force que Riquet Ă la Houppe crut lui avoir donnĂ© plus dâesprit quâil ne sâen Ă©tait rĂ©servĂ© pour lui-mĂȘme. Les fĂ©es sont-elles galantes ? Si certaines sont exquises, comme celle qui vient au secours de PrintaniĂšre, dâautres sont plus revĂȘches, comme Ecrevisse. On peut se demander si parfois, Ă travers ces figures ancestrales, Madame dâAulnoy ne raille pas les Anciens elles traĂźnent avec elles de vieux âgrimoiresâ, et peuvent se montrer Ă©rudites les amies de la reine de La Biche au bois sont âsavantes dans lâHistoireâ p. 245 et lâon trouve dans âLa Princesse PrintaniĂšreâ une gĂ©ographe, autrice dâun atlas âoĂč Ă©tait la description de toute la terreâ p. 153. Carabosse porte mĂȘme un nom grec karabos signifie âescarbotâ hanneton, comme celui qui tire son char p. 154. Constance Cagnat suggĂšre que son langage, âun jargon que lâon nâentendait pasâ p. 134 pourrait bien ĂȘtre du grec. Les mortelles sont plus discrĂštes DiscrĂšte est dâailleurs le nom de lâhĂ©roĂŻne de âSerpentin vertâ elles masquent mieux leur savoir, pour ne paraĂźtre pas pĂ©dantes. Il nâest rien de forcĂ© dans leur âgrĂąceâ qui sâapparente Ă une âĂ©loquence naturelleâ p. 277, loin de tout artifice et de toute affectation de connaissance. Un âstyle fort tendre et fort galantâ p. 97 Les contes mettent en abyme diffĂ©rents genres littĂ©raires, qui sont prĂ©cisĂ©ment ceux quâon pratique dans les cercles mondains, et quâon trouve en abondance dans les recueils et anthologies de lâĂ©poque4 . âTous les poĂštes de lâuniversâ composent ainsi chaque jour pour Toute-Belle âsept ou huit mille sonnets, autant dâĂ©lĂ©gies, de madrigaux et de chansonsâ p. 215, ensemble qui rappelle La Guirlande de Julie, florilĂšge de madrigaux et de sonnets composĂ©s par les beaux esprits du milieu du siĂšcle en lâhonneur de Julie dâAngennes, fille de Madame de Rambouillet. Belle-Belle-FortunĂ© est de son cĂŽtĂ© poĂšte elle Ă©crit un âcouplet de chansonâ sur un âair nouveauâ Ă la mode p. 303. Quant Ă Avenant, parfait chevalier galant, il est capable de composer des chansons impromptues tout en se battant avec un monstre â la piĂštre qualitĂ© des vers sâexpliquant par la frayeur quâil Ă©prouve devant Galifron p. 84. Madame dâAulnoy affectionne aussi le prosimĂštre, mĂ©lange de prose et de vers, pratiquĂ© par La Fontaine dans PsychĂ©, et quâon retrouve dans la partie pastorale du âRameau dâorâ p. 197-206.5 . On reconnaĂźt aussi chez Madame dâAulnoy les traits du style prĂ©cieux, auxquels elle se conforme avec humour, certaine de trouver en son public un complice capable dâapprĂ©cier avec recul lâamoncellement de topoĂŻ et de figures lâincendie que provoquaient les âbeaux yeuxâ, et que tempĂ©raient les âdĂ©luges dâeauâ de pluie, est une pointe que nâeĂ»t pas dĂ©savouĂ©e Vincent Voiture p. 142, non plus que le soleil qui se cache de dĂ©pit p. 140. âLes roses et les lis dâun visage charmantâ sont Ă©galement une mĂ©taphore bien usĂ©e pour louer le teint dâune belle p. 213. Quant Ă lâexpression âmerveilles de nos joursâ p. 105, elle Ă©tait dĂ©jĂ condamnĂ©e par Pascal dans les PensĂ©es comme une facilitĂ© pseudo-poĂ©tique Ă la mode PensĂ©es, Ă©d. Sellier 486. Les âchaĂźnesâ dâamour p. 305 viennent tout droit dâun pĂ©trarquisme bien Ă©culĂ©, comme le âtrait fatalâ de lâamour p. 307 ; les âruisseaux de ses larmesâ p. 146 sont une hyperbole prĂ©cieuse, et la pĂ©riphrase âfidĂšle conseillerâ 230 pour dĂ©signer un miroir est un dĂ©marquage quasi littĂ©ral des PrĂ©cieuses ridicules, que les lectrices identifiaient nĂ©cessairement Madelon demandait chez MoliĂšre quâon lui apportĂąt le âconseiller des grĂącesâ, et devait expliquer Ă son serviteur ce quâelle entendait par cette expression scĂšne 8. On peut rattacher aussi au style prĂ©cieux le goĂ»t de Madame dâAulnoy pour les nĂ©ologismes âdĂ©grillonnerâ, p. 209, âdĂ©bichonnerâ, p. 269, âdragonneâ, p. 316, ou le superlatif dans âil lâaimait avec la derniĂšre passion depuis quelques annĂ©esâ p. 221, fidĂ©litĂ© exceptionnelle elle-mĂȘme caractĂ©ristique de lâidĂ©al amoureux prĂ©cieux. Les contes ne se contentent pas dâadopter le ton et les formes des genres âĂ la modeâ ils multiplient les allusions prĂ©cises Ă des textes du temps. Le jeu consistait pour les contemporains Ă identifier les Ă©chos dâune littĂ©rature Ă succĂšs galante et mondaine. Outre Lully, donnĂ© comme on lâa dit pour parangon du musicien p. 306, on joue chaque soir âune des plus belles piĂšces de Corneille ou de MoliĂšreâ dans le palais de Serpentin Vert ; chez La Chatte blanche, qui mĂšne une guerre contre les rats, La Fontaine est attestĂ© comme âun auteur trĂšs vĂ©ritableâ. Dans le mĂȘme conte, Raminagrobis renvoie aussi Ă La Fontaine, de mĂȘme que âMonsieur du Corbeauâ dans âLa Belle aux cheveux dâorâ p. 85, ou dans le mĂȘme conte âMa CommĂšre la carpeâ p. 83, venue tout droit de la fable du HĂ©ron VII, 4. Dâautres rĂ©fĂ©rences sont moins Ă©videntes pour nous, mais Ă©taient transparentes pour les contemporains les lecteurs du temps identifiaient aisĂ©ment, dans la strophe de lâopĂ©ra de Percinet p. 62, des vers de Madame de La Suze trĂšs diffusĂ©s dans les recueils6. Le Chat dâEspagne, sur lequel est montĂ© le Nain jaune p. 225, est le titre dâune nouvelle galante de Jacques Alluis 1669. Mais câest envers Perrault que la dette est la plus manifeste. On trouve des citations dĂšs le premier recueil de Madame dâAulnoy, paru en avril 1697, soit trois mois seulement aprĂšs la publication des Histoires ou contes du temps passĂ© âAh ! quâelle est belle ! Ah ! quâelle est belle ! â p. 141 reprend en la redoublant lâexclamation unanime de la cour Ă lâapparition de âCendrillonâ p. 264 ; âon dormait tout deboutâ rappelle âles gentilshommes et les dames, dormants tous, les uns debouts, les autres assisâ de âLa Belle au bois dormantâ p. 194. Le rĂ©veil de BĂ©nigne p. 183 prĂ©sente bien des similitudes avec celui de La Belle Il entre dans un salon tout de lapis, et traversant des appartements sans nombre [âŠ] il arriva enfin dans une petite chambre dont tous les ornements Ă©taient de turquoise, et il vit sur lit de gaze bleu et or une dame qui semblait dormir ; elle Ă©tait dâune beautĂ© incomparable. âLe Rameau dâorâ, p. 183 Il traverse plusieurs chambres [âŠ]. Il entre dans une chambre toute dorĂ©e, et il voit sur un lit, dont les rideaux Ă©taient ouverts de tous cĂŽtĂ©s, le plus beau spectacle quâil eut jamais vu une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont lâĂ©clat resplendissant avoit quelque chose de lumineux et de divin. âLa Belle au bois dormantâ, p. 194 On note aussi plusieurs souvenirs de âLa Barbe bleueâ Trognon, qui âne vit rien venir p. 190, et PrintaniĂšre, qui âaurait attendri un rocherâ p. 150 sont des reprises littĂ©rales p. 224, 226. La formulette du âChat bottĂ©â est rĂ©pĂ©tĂ©e deux fois dans notre volume, dâabord dans âGracieuse et Percinetâ âil faudrait la hacher et en faire un pĂątĂ©â, p. 64 puis dans âLa Princesse PrintaniĂšreâ âhachĂ© comme chair Ă pĂątĂ©â, p. 147. Comme on lâa vu, on retrouve sur la tĂȘte de la FĂ©e du DĂ©sert un âchaperon de velours rougeâ qui Ă©voque celui de la cĂ©lĂšbre fillette perraldienne p. 206. Ces renvois confirment lâhypothĂšse de Marc Fumaroli, selon laquelle les salons fonctionnent comme un âatelier de littĂ©ratureâ oĂč les participants Ă©changent des consignes et renvoient mutuellement Ă leurs productions rĂ©ciproques. Madame dâAulnoy pratique mĂȘme lâauto-citation, et met en abyme son propre livre dans âLa Biche au boisâ, oĂč GiroflĂ©e Ă©voque âles contes nouveaux que lâon a faits sur les fĂ©esâ p. 269. Les contes participent aussi dâun romanesque goĂ»tĂ© par le public mondain et mĂ©prisĂ© par les Anciens. Perrault et Madame dâAulnoy, comme on lâa vu, sâinspirent dâabord de romans mĂ©diĂ©vaux comme Le Perceforest. Le modĂšle chevaleresque courtois devient sous leur plume un stĂ©rĂ©otype les chevaliers joutent lors de âtournoisâ p. 58, oĂč paraĂźt un chevalier inconnu, comme jadis Yvain dans Le Chevalier au lion ou Lancelot dans Le Chevalier Ă la charrette. Avenant doit rituellement mettre Ă mort un dragon, comme avant lui tant de hĂ©ros, Ă commencer par Perceval dans La QuĂȘte del saint Graal. LâĂ©pisode se trouve ici ici vidĂ© de toute substance mĂ©taphysique et religieuse ne subsiste du topos que le prĂ©texte Ă un rĂ©cit dĂ©coratif et galant. Il nâen reste pas moins que la structure de La Belle aux cheveux dâor doit plus Ă ces scĂ©narios venus de romans courtois ou de chevalerie, quâĂ dâĂ©ventuelles structures folkloriques. La pastorale est le second courant romanesque avec lequel dialoguent les contes de Madame dâAulnoy HonorĂ© dâUrfĂ©, de 1607 Ă 1625, avait sĂ©duit un large public mondain et aristocratique avec LâAstrĂ©e, qui racontait des histoires de bergĂšres et de bergers de fantaisie, vivant de poĂ©sie et de musique, et qui passaient leur temps en conversations passionnĂ©es sur lâamour, ou plutĂŽt sur âles divers effets de lâhonnĂȘte amitiĂ©â, expression qui servait de sous-titre Ă lâĆuvre. En 1698, plus personne nâĂ©crit de romans pastoraux, mais lâAstrĂ©e trouve encore bien des admirateurs. Julie dâAngennes, cosplayer avant lâheure, sâĂ©tait mĂȘme fait reprĂ©senter dans le costume dâAstrĂ©e. Claude Deruet, Julie dâAngennes en costume dâAstrĂ©e. AnnĂ©es 1630. MusĂ©e des Beaux-Arts de Strasbourg. Cliquer pour agrandir. Alors que, depuis plusieurs dĂ©cennies, Mme de Villedieu, Saint-RĂ©al et Mme de Lafayette avaient fait triompher dans la fiction les histoires dâamour sombres et dĂ©sabusĂ©es, Madame dâAulnoy, Ă la fin du siĂšcle, rĂ©veille dans le cĆur de son public la nostalgie pour ces histoires de bergers sentimentaux. Un long Ă©pisode pastoral prend place au cĆur du âRameau dâorâ. Brillante y apparaĂźt en bergĂšre solitaire, aimant âson troupeau et son chienâ p. 195. Sans-Pair y est rapprochĂ© explicitement du hĂ©ros dâHonorĂ© dâUrfĂ© âEn cet Ă©tat, tous les CĂ©ladons du monde nâauraient osĂ© paraĂźtre devant luiâ p. 198. Nature bienveillante, aliments simples et purs âdu lait doux avec du pain bis, des Ćufs frais, du beurre nouveau battu et un fromage Ă la crĂšmeâ, p. 196, plaisirs innocents de la poĂ©sie et de la musique, tendre Ă©vocation de lâamour naissant les Ă©lĂ©ments sont, lĂ encore, trop topiques pour nâĂȘtre pas distanciĂ©s et ironiques â les romans pastoraux authentiques prĂ©sentaient plus de complexitĂ© et de subtilitĂ©. Madame dâAulnoy sâamuse avec les codes plus quâelle nây souscrit Sans-Pair est vĂȘtu comme un acteur de comĂ©die pastorale, avec son âhabit de pasteur extrĂȘmement galantâ p. 195. Il arrive mĂȘme Ă la conteuse de subvertir ces stĂ©rĂ©otypes, en particulier lorsquâelle laisse entendre quâune destinĂ©e princiĂšre vaut mieux que la vie de berger âJe devais succĂ©der Ă mon pĂšre un grand royaume rĂ©pare bien des dĂ©fautsâ, soupire Sains-Pair p. 198. HonorĂ© dâUrfĂ© prĂ©sentait au contraire des pasteurs qui avaient volontairement quittĂ© les cours empestĂ©es pour sâemparer de la houlette et garder des moutons. Enfin, Madame dâAulnoy emprunte au roman prĂ©cieux qui avait triomphĂ© au milieu du siĂšcle avec ceux de Madeleine de ScudĂ©ry ArtamĂšne ou le Grand Cyrus, 1649-1653 ; La ClĂ©lie, 1656-1661, et qui Ă©tait trĂšs liĂ© Ă lâunivers des salons. Nos rĂ©cits fourmillent de scĂšnes souvent ressassĂ©es dans les romans de lâĂąge baroque, pour le plus grand plaisir du public mondain princesses enfermĂ©es dans des tours Trognon, PrintaniĂšre, Florine⊠; enlĂšvements âLâOiseau bleuâ, p. 99-100; portraits quâon fait faire p. 58, que lâon demande et mĂȘme qui parlent p. 309, ou dont on tombe amoureux dans âRiquet Ă la Houppeâ, p. 277; lettres interceptĂ©es âLe Rameau dâorâ, p. 188; princesses abandonnĂ©es Ă la naissance p. 172; filles travesties en garçon âBelle-Belleâ, p. 307; et bien sĂ»r amour, en un siĂšcle oĂč lâon ne savait concevoir dâautres romans que dâamour. On retrouve aussi des traces de la Carte de Tendre, cĂ©lĂšbre description cartographique du sentiment amoureux insĂ©rĂ© dans La ClĂ©lie âestimeâ de la princesse pour Riquet chez Perrault p. 283, ou de Florine pour Charmant, ou de Brillante pour Sans-Pair âje sen[s] dĂ©jĂ une estime particuliĂšre pour vousâ p. 195 ; Sans-Pair de son cĂŽtĂ© attend de ses soins une Ă©ventuelle âreconnaissanceâ. Floride est une fine lectrice de la Carte de Tendre âil mâaimerait par reconnaissance, sâil ne mâaimait pas par inclinationâ p. 302. Elle espĂšre de la âreconnaissanceâ de ses soins, Ă dĂ©faut de vĂ©ritable passion, lâ âinclinationâ, dont elle sait quâelle ne se mĂ©rite point Ă force de âbillets douxâ ou âde petits servicesâ. Cette âinclinationâ, lâamour-passion, la beautĂ© dĂ©licate et androgyne de FortunĂ© la fait naĂźtre en revanche malgrĂ© elle malgrĂ© lui dans le cĆur de toutes les femmes de la cour p. 301. Cliquer pour agrandir. âTendre sur E.â = âTendre sur Estimeâ; âTendre sur Iâ = âTendre sur Inclinationâ; âTendre sur R.â = âTendre sur Reconnaissanceâ Madeleine de ScudĂ©ry renonce certes dans ses romans au merveilleux surnaturel, mais manifeste toutefois un goĂ»t pour les spectacles âenchantĂ©sâ, âmagiquesâ et prodigieuxâ Madame dâAulnoy poursuit et amplifie cette aspiration au merveilleux qui nâavait pas complĂštement disparu du roman galant du milieu du siĂšcle7 . Tony Gheeraert, âUne allĂ©gorie de la civilitĂ© Cendrillon ou lâart de plaire Ă la cour. Dix-septiĂšme siĂšcle, Presses Universitaires de France, SociĂ©tĂ© dâĂ©tudes du XVIIe siĂšcle, 2000, p. 485-499, en ligne sur Cairn ou en libre accĂšs sur HAL [â©] Alain GĂ©netiot, PoĂ©tique du loisir mondain, de Voiture Ă La Fontaine, Paris, Champion, coll. LumiĂšre classique», n° 14, 1997. [â©] Voir Delphine Denis, La muse galante, poĂ©tique de la conversation dans lâĆuvre de Madeleine de ScudĂ©ry, Ă©ditions HonorĂ© Champion, LumiĂšre classique n° 12, 1997. Voir aussi Benedetta Craveri, LâĂąge de la conversation, Paris, Gallimard, 2002. [â©] Sur ces anthologies de poĂ©sie galante, voir lâouvrage rĂ©cemment paru de Miriam Speyer, Briller par la diversitĂ© les recueils collectifs de poĂ©sie au XVIIe siĂšcle 1597-1671, Paris, Classiques Garnier Lire le XVIIe siĂšcle, 2021. Ces genres sont aussi recensĂ©s dans La France galante dâAlain Viala op. cit., chapitre 2, âLe Grand SiĂšcle en lettres galantesâ, p. 40-83. [â©] Un colloque sur le prosimĂštre sâest tenu lâan dernier Du prosimĂštre au poĂšme en prose, de LâAstrĂ©e aux Petits PoĂšmes en prose, organisĂ© par Miriam Speyer, Marie-Gabrielle Lallemand et Claudine NĂ©dĂ©lec. [â©] Voir Miriam Speyer, qui signale le rapprochement [â©] Voir sur ce point Elisa Biancardi, âDe Madeleine de ScudĂ©ry Ă madame dâAulnoy esthĂ©tique galante et merveilleuxâ, in Madeleine de ScudĂ©ry une femme de lettres au XVIIe siĂšcle, Ă©d. Spica et D. Denis, Presses de lâuniversitĂ© dâArtois, 2002, URL . [â©] Chez Madame dâAulnoy, le monde des fĂ©es est un univers aristocratique, Ă©lĂ©gant, oĂč rĂšgnent politesse et bonnes maniĂšre, oĂč lâon cultive lâart et le plaisirs de la cour il est placĂ© sous le signe de âla galanterie et la magnificenceâ p. 93. On reconnaĂźt dans ces deux mots lâinversion du cĂ©lĂšbre incipit de La Princesse de ClĂšves. Le roman de Madame de Lafayette jouissait dĂ©jĂ dâun prestige tel1 , que lâeffet dâintertextualitĂ© nâa pu Ă©chapper Ă la conteuse ; elle reprend quasiment la mĂȘme tournure un peu plus loin dans notre volume âla galanterie Ă©galait la magnificenceâ, p. 250. Lâadjectif âmagnifiqueâ est rĂ©pĂ©tĂ© Ă trente-trois reprises dans notre corpus. Il signifie quâil ne suffit pas aux nobles dâĂȘtre riches est magnifique âcelui qui est splendide, somptueux, qui se plaĂźt Ă faire dĂ©pense [âŠ]. Câest la principale qualitĂ© des princes dâĂȘtre magnifiquesâ, explique FuretiĂšre. Il convient donc aux princes des contes, pour ĂȘtre dignes des fonctions quâils occupent, de faire montre de leur fortune. La richesse, partout amplifiĂ©e et exaltĂ©e, sâĂ©tale aux yeux de tous âLâon nâa jamais vu tant de richesses ensembleâ âLa Princesse PrintaniĂšreâ, p. 140, et chez Perrault, les miroirs de la Barbe bleue sont âles plus magnifiques quâon eut jamais vusâ p. 220. Si cette magnificence est aussi essentielle, câest quâelle constitue le signe extĂ©rieur dâune Ă©thique lâĂ©talage ostentatoire des richesses est la face visible dâune morale de la dĂ©pense, de lâostentation Ă laquelle la noblesse est astreinte pour soutenir son rang2. La âprĂ©tention aristocratiqueâ, comme lâĂ©crit Pierre Bourdieu dans La Distinction. Critique sociale du jugement Paris, Ăditions de Minuit, 1979, âsâaffirme universellement par la destruction de richesses, la dĂ©pense ostentatoire, le gaspillage et toutes les formes du luxe gratuitâ ; elle sâoppose ainsi Ă lâutilitarisme bourgeois, mĂ©prisable car il nâentend que les nĂ©cessitĂ©s Ă©conomiques. Nos contes galants et mondains affichent partout cette âprĂ©tention aristocratiqueâ. Les objets dâart, si importants dans nos contes livres et vitraux dĂ©corĂ©s dans âLe Rameau dâorâ, p. 81, histoire gravĂ©e dans le cristal de roche, p. 61, tapisseries chez dâAulnoy, p. 91 et chez Perrault, p. 188, valent par leur inutilitĂ© mĂȘme comme forme parfaite de distinction, comme lâexplique encore Bourdieu. Comme Ă Versailles, paraĂźtre Ă la cour des royaumes imaginaires exige de participer au dĂ©ploiement du faste curial la mise Ă©clatante, le luxe, la consommation de prestige sont les marques qui rĂ©vĂšlent les Ăąmes bien nĂ©es, libĂ©rales, âgĂ©nĂ©reusesâ p. 79 et 185, en un mot magnifiques et princiĂšres. La magnificence se dĂ©ploie sans frein au cours des cĂ©rĂ©monies, des rĂ©ceptions dâambassadeurs âil nây aurait rien de si beau que lâentrĂ©e de Fanfarinetâ ou des mariages comme celui de Toute-Belle, âgrande fĂȘteâ au cours de laquelle âon tapissa les rues, elles furent jonchĂ©es de fleurs, le peuple en foule accourutâ p. 223. La pauvretĂ© nâest jamais dĂ©sirable chez Madame dâAulnoy. Contrairement aux hĂ©ros de lâAstrĂ©e, qui avaient dĂ©libĂ©rĂ©ment abandonnĂ© la cour pour mener une vie simple et modeste, Trognon/Brillante souffre de se voir rĂ©duite Ă lâĂ©tat de simple bergĂšre âelle nâĂ©tait plus quâune bergĂšre, et la perte de son rang ne laissait pas de lui ĂȘtre sensibleâ p. 194. DĂ©penser sans compter, tel est le rĂȘve dâun groupe social pour qui la consommation somptuaire est devenue indispensable au maintien de son standing. Plus largement, ce parti pris dâostentation rejoint une conception théùtrale de lâexistence, qui fait de la vie princiĂšre un spectacle dont palais et jardins constituent le dĂ©cor scĂ©nique, et le couple hĂ©roĂŻque, les acteurs privilĂ©giĂ©s la Belle endormie est dĂ©crite comme âle plus beau spectacle que [le prince] eĂ»t jamais vuâ p. 194 Si la dĂ©pense est une vertu aristocratique, lâĂ©pargne, lâintĂ©rĂȘt ou lâavarice, qualitĂ©s bourgeoises, sont dans nos contes le propre des Ăąmes viles, incapables de se distinguer, ignorantes des codes du savoir-vivre et de la civilitĂ©, Ă©trangĂšres aux plaisirs comme aux exigences de la vie de cour. Le pĂšre de PrintaniĂšre, bien bourgeois et populaire, sâinquiĂšte des frais entraĂźnĂ©s par le mariage de sa fille, âqui nous coĂ»te dĂ©jĂ si cherâ p. 145. Le divertissement principal du mariage de Toute-Belle consiste en un don de numĂ©raires versĂ©s Ă un public incapable de goĂ»ter des divertissements plus raffinĂ©s p. 224 ces dons en espĂšce sont vulgaires et de mauvais prĂ©sage. Mais ce sont surtout les adversaires qui font figure de contre-modĂšles, parce quâils sâopposent Ă la magnificence entendue comme âvertu qui consiste Ă dĂ©penser son bien Ă des choses honorablesâ FuretiĂšre. Truitonne, qui ne propose que cinq sols Ă Florine en Ă©change des merveilles quâelle lui offre, ne songe quâĂ faire une bonne affaire p. 127 elle montre par lĂ lâĂ©tendue de sa mesquinerie, et manifeste ainsi, par son attitude Ă©goĂŻste et vĂ©nale, quâelle est indigne du trĂŽne quâelle prĂ©tend occuper. Grognon, de mĂȘme, ignore lâart exquis de la consommation gratuite elle thĂ©saurise bourgeoisement ses trĂ©sors dans des tonneaux p. 51, fait des âprovisionsâ pour elle-mĂȘme, soustrait pistoles et louis Ă lâĂ©change, pour les entasser en vrac et jouir de leur seule possession. De telles crĂ©atures ne sauraient trouver place dans lâunivers curial et sâen trouvent toujours exclus au dĂ©nouement des contes. Au delĂ du cadre et du dĂ©cor, les contes sont porteurs dâune vision du monde aristocratique, perpĂ©tuant les valeurs nobiliaires hĂ©ritĂ©es du moyen-Ăąge esprit chevaleresque et courtois, sens de lâhonneur, souci de la gloire et de la grandeur. Le prince de âLa Belle au bois dormantâ est âpoussĂ© par lâamour et par la gloireâ p. 192. Avenant, comme les chevaliers errants, vient sans espoir de rĂ©compense au secours du corbeau et du hibou, animaux rĂ©putĂ©s mĂ©prisables il est, au sens cornĂ©lien du terme, âgĂ©nĂ©reuxâ p. 79, comme lâest aussi le prince Percinet, qui sauve sa maĂźtresse sans extorquer de contrepartie. Les vertueuses princesses, elles aussi, Ă©coutent la voix du devoir. Elles se laissent conquĂ©rir Ă force de prouesses et dâexploits câest pour complaire Ă la Belle aux cheveux dâor quâAvenant triomphe de Galifron et des dragons, comme avant lui les chevaliers mĂ©diĂ©vaux. Lâorgueil du sang reste plus que jamais de mise dans ce microcosme oĂč les protagonistes sont du plus haut lignage âQuatre ou cinq douzaines de princesse du sangâ se pressent Ă lâambassade de Fanfarinet p. 141, comme le prĂ©cise non sans hyperbole la conteuse. Raymonde Robert a insistĂ© sur lâorgueil de caste qui traversait ces contes marquĂ©s par la morale nobiliaire les rĂ©cits-cadres donnent âlâimage dâun groupe social restreint, orgueilleusement repliĂ© sur lui-mĂȘmeâ3 , mais il en va de mĂȘme Ă lâintĂ©rieur des rĂ©cits. Toute-Belle, âdestinĂ©e Ă porter une couronneâ p. 214 a âlâorgueilâ propre Ă son rang p. 215, et refuse les prĂ©tendants quâelle juge indignes dâelle. Sa mĂšre, certes soucieuse de trouver un mari Ă sa fille, sâinquiĂšte nĂ©anmoins quâelle puisse Ă©pouser âquelque chose au-dessousâ dâelle p. 215. Nadine Jasmin parle dâune âexacerbation de lâidĂ©al nobiliaireâ4 . HĂ©ros et hĂ©roĂŻnes sont obsĂ©dĂ©s par le risque de mĂ©salliance, dont le Nain menace lui-mĂȘme Toute-Belle en la mettant au dĂ©fi de prĂ©fĂ©rer la mort âVous aurez au moins la gloire de mourir fille, lui dit-il, et de ne pas mĂ©sallier votre Ă©clatant mĂ©rite avec un misĂ©rable nain tel que moiâ, p. 220. . Gracieuse, toute imbue de sa haute naissance, se sent outragĂ©e dâĂȘtre courtisĂ©e par un simple page âQuoi ! un page, sâĂ©cria la princesse, un page a lâaudace de me dire quâil mâaime ! Voici le comble Ă mes disgrĂąces.â. La reine des MĂ©tĂ©ores reproche Ă Sans-Pair sa passion âdisproportionnĂ©eâ pour une âpetite bergĂšreâ p. 207, objection que le prince ne rĂ©fute pas sur le fond. PrintaniĂšre manque de pĂ©rir pour avoir suivi son cĆur âJe sais que vous nâĂȘtes pas prince, vous me plaisez autant que si vous lâĂ©tiezâ, p. 143 la suite de lâhistoire condamnera sa lĂ©gĂšretĂ©. La Belle aux cheveux dâor, symĂ©trique de PrintaniĂšre, Ă©pouse avec bonheur lâambassadeur venu lâĂ©pouser au nom de son maĂźtre ; mais le conte souligne discrĂštement la gravitĂ© de la mĂ©salliance le gĂ©ant Galifron a pour anagramme forligna. Le mot suggĂšre que la Belle sâest mariĂ©e au-dessous dâelle âForligner⊠on le dit particuliĂšrement de ceux qui se sont mĂ©salliĂ©sâ, Ă©crit FuretiĂšre. Plusieurs contes de Perrault semblent admettre plus de fluiditĂ© sociale Cendrillon, fille de hobereau, Ă©pouse un prince, de mĂȘme que lâhĂ©roĂŻne des âFĂ©esâ, mais dans ce dernier conte, lâintention satirique est si forte quâil serait imprudent de conclure Ă une sympathie plus grande de Perrault pour les unions socialement mixtes. Mademoiselle, alias Elisabeth-Charlotte dâOrlĂ©ans 1676-1744, fille de Madame et de Monsieur, aurait-elle inspirĂ© âLa Belleâ et âToute-Belleâ ? Cliquer pour agrandir. Lâombre des Grands de la cour flotte sur nos deux volumes, dĂ©diĂ©s Ă deux princesses du sang, la Palatine et sa fille, Elisabeth-Charlotte dâOrlĂ©ans. Madame dâAulnoy nâoublie pas non plus, de faire sa cour Ă la nouvelle coqueluche de la cour, la jeune et brillante Marie-AdĂ©laĂŻde de Savoie, qui, Ă douze ans, en dĂ©cembre 1697, devient lâĂ©pouse du duc de Bourgogne, petit-fils du roi et destinĂ© Ă lui succĂ©der un jour DĂ©sirĂ©e âavait les mĂȘmes attraits / Que fit briller AdĂ©laĂŻde, / Quant, lâhymen lui servant de guide, / Elle vint dans ces lieux pour cimenter la paixâ, p. 258. La vivacitĂ© de la jeune Savoyarde Ă©gayait Versailles en ces annĂ©es sombres, et rĂ©jouissait en particulier le roi qui rapidement ne put se passer de sa prĂ©sence. âIl ne faut Ă votre Cour que de jolies personnesâ, reprochait Magotine Ă la mĂšre de Laideronette au seuil de âSerpentin Vertâ tels sont en effet les seuls habitants admis Ă frĂ©quenter les palais de fĂ©erie. Aux princesses nommĂ©ment dĂ©signĂ©es sâajoutent de possibles allusions. Ute Heidmann5 voit dans âLa Belleâ un double dâElisabeth-Charlotte, destinataire des Histoires ou contes du temps passĂ© en effet, malgrĂ© la noblesse de son lignage, âMademoiselle Ă©tait une victime de guerreâ6 , condamnĂ©e par la situation internationale Ă rester cĂ©libataire le temps du conflit. A lâĂ©poque des contes, elle sâapprĂȘtait, disait-on, Ă coiffer sainte Catherine. Le parallĂšle avec une princesse condamnĂ©e Ă âattendre cent ans pour avoir un Ă©pouxâ, âet toujours en dormantâ, est effectivement trĂšs tentant. Est-il interdit de voir aussi des Ă©chos des relations entre la Palatine et sa fille dans les personnages royaux du âNain Jauneâ ? Toute-Belle, orgueilleuse, rejetant toutes les propositions par crainte de mĂ©salliance, nâest pas sans entretenir aussi des ressemblances avec Elisabeth-Charlotte, dont le caractĂšre Ă©tait difficile et hautain, et que Madame dâAulnoy dĂ©signe comme âdestinĂ©e Ă porter une couronneâ p. 214 on reconnaĂźt ici quasi les mĂȘmes termes que ceux de lâĂ©pigraphe des Histoires ou contes du temps passĂ©, âJe suis belle et suis nĂ©e / Pour ĂȘtre couronnĂ©eâ7 . âOn la voyait presque toujours vĂȘtue en Pallas ou en DianeâŠâ. Portrait de Mademoiselle, Ălisabeth Charlotte of Bourbon-OrlĂ©ans 1676-1744, en Diane, conservĂ© au palais de chasse des Stupinigi. Merci Ă Constance Cagnat dâavoir signalĂ© ce rapprochement. Lâacharnement de la reine Ă marier la princesse rappelle les tentatives dĂ©sespĂ©rĂ©es de la Palatine pour trouver un parti Ă Elisabeth-Charlotte, jusquâĂ jeter les yeux sur Guillaume dâOrange, roi dâAngleterre, principal adversaire de la France au cours de la Guerre de la Ligue dâAugsbourg. Cette alliance matrimoniale, Ă©videmment, ne put se conclure. âLe Nain Jauneâ relaterait-il de façon allĂ©gorique la tentative de mariage ratĂ© avec Guillaume dâOrange ? On peut en faire lâhypothĂšse la rĂ©pugnante crĂ©ature nâest pas sans ressembler par la couleur Ă âlâOiseau Jauneâ qui dĂ©signe sans ambiguĂŻtĂ© le roi dâAngleterre dans âSans Parangonâ de PrĂ©chac, conteur lui-mĂȘme trĂšs liĂ© aux OrlĂ©ans8 . Par ailleurs, la mise en cause des prouesses sexuelles dont est capable le Nain âelle mâaura jour et nuit auprĂšs dâelle, beau, dispos et gaillard comme vous me voyezâ est Ă©videmment ironique, p. 218 fait Ă©cho aux rumeurs sur lâhomosexualitĂ© de Guillaume dâOrange, et auxquels la Palatine contribua9 . Lâhistoire finira plus mal pour Toute-Belle que pour Mademoiselle celle-ci finira par se marier aprĂšs la guerre, Ă un Ăąge avancĂ© pour une princesse de lâĂ©poque, en 1698, avec LĂ©opold Ier. Elle deviendra alors duchesse de la âcour souveraine de Lorraineâ, créée la mĂȘme annĂ©e. Notons pour terminer que, dans âLa Princesse Rosetteâ, lâexpression puĂ©rile employĂ©e par la narratrice, âil nây avait ni Monsieur ni Madame qui ne sâen retournassent contentsâ, p. 162 peut aussi renvoyer au frĂšre du roi et Ă son Ă©pouse, la princesse Palatine. Madame, alias Ălisabeth-Charlotte de BaviĂšre, dâaprĂšs Hyacinthe Rigaud, 1713. Cliquer pour agrandir. Madame de Lafayette est proposĂ©e en modĂšle par LhĂ©ritier, voir plus haut [â©] Sur la magnificence, voir en particulier Nadine Jasmin, Mots et merveilles, op. cit., p. 248-259. [â©] Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 350. [â©] Nadine Jasmin, Mots et merveilles, op. cit., p. 207 sqq. [â©] Ute Heidmann, Ces images qui dĂ©trompent⊠Pour une lecture iconotextuelle des recueils manuscrit 1695 et imprimĂ© 1697 des contes de Perrault », FĂ©eries, 11 2014. URL [â©] Arlette Lebigre, La Princesse Palatine, Paris, Albin Michel, 1986. [â©] Texte malheureusement absent de notre Ă©dition on se reportera Ă la section des illustrations et des textes originaux du prĂ©sent blog. [â©] PrĂ©chac Ă©tait gentihomme ordinaire dâOrlĂ©ans et avait Ă©tĂ© professeur dâespagnol de Marie-Louise. Voir notre Ă©dition des conteurs masculins de la fin du XVIIe siĂšcle, Paris, Champion, 2005. [â©] âCe quâon dit du roi Guillaume nâest que trop vrai, il change souvent de favori, aprĂšs Bentick et Keppel, il en a un autre. Il nây a rien dâĂ©tonnant que sa femme nâait pas eu de rivale de son vivant. Ceux qui ont ces goĂ»ts-lĂ se moquent pas mal des femmesâ, la princesse Palatine est ici citĂ©e par Michel LariviĂšre, Dictionnaire historique des cĂ©lĂšbres, 2017. [â©] LâĂąge du rococo, qui naĂźt Ă la toute fin du XVIIe siĂšcle et envahit lâEurope dans les dĂ©cennies suivantes, correspondit prĂ©cisĂ©ment au siĂšcle des contes. Style dĂ©coratif du XVIIIe siĂšcle », le rococo est caractĂ©risĂ© par la profusion ornementale, le goĂ»t des courbes et des contrecourbes, des formes tourmentĂ©es, des couleurs variĂ©es », explique Raymonde Robert qui voit dans les contes de lâĂ©poque des Ă©chos du goĂ»t naissant pour le rococo1 . Les premiers ornemanistes quâon associera plus tard au style ârococoâ sont les exacts contemporains de nos conteurs Jean BĂ©rain pĂšre 1640-1711, qui donnera naissance au âstyle BĂ©rainâ, ou Pierre Lepautre 1652-1716, dont les rĂ©alisations exercĂšrent rapidement une influence internationale. Style BĂ©rain. Cliquer pour agrandir. Ces liens entre féérie et rococo ont Ă©tĂ© confirmĂ©s et approfondis rĂ©cemment par Kim Gladu, qui souligne en particulier la relation Ă©troite entre galanterie et rococo. Le conte est lâun des lieux oĂč se manifeste le plus fortement cette intrication2. Rococo et galanterie partagent bien des points communs Ă la surenchĂšre dĂ©corative et Ă la dĂ©licatesse ornementale rĂ©pond une littĂ©rature du plaisir, de la grĂące, de la sĂ©duction, et de lâabondance stylistique. La galanterie littĂ©raire se plaira Ă mettre en scĂšne certains des procĂ©dĂ©s esthĂ©tiques les plus rĂ©pandus dans lâart rococo une surabondance dâornements dĂ©coratifs, une galantisation » des thĂšmes mythologiques, une reprĂ©sentation de lâamour que marque la voluptĂ© et une idĂ©e du bonheur qui prend diverses formes, allant dâune nostalgie de lâĂąge dâor pastoral aux plaisirs bachiques de la sociabilitĂ© Si lâesthĂ©tique rococo convient si bien au conte de fĂ©es, expliquait dĂ©jĂ Jean Starobinski dans LâInvention de la libertĂ©, câest que lâun comme lâautre sont associĂ©s au fĂ©minin et aux puĂ©rilitĂ©s. La vogue europĂ©enne du conte de fĂ©es [âŠ] accentue encore le climat dâenfantillage ou dâamenuisement dont le rococo sâaccompagne »4 , et qui domine par exemple dans âLa Princesse Rosetteâ, le plus infantile des contes de notre corpus, comme on lâa vu. Bien des Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs dans nos textes rĂ©vĂšlent lâaffinitĂ© entre nos contes et le style rococo ou style rocaille qui Ă©mergeait alors, et qui Ă©tait appelĂ© Ă dominer dans les intĂ©rieurs mondains pendant une grande partie du XVIIIe siĂšcle. Pierreries, bibelots, dorures, dĂ©corations fleuries, grottes et rocailles, palais de cristal, gazons semĂ©s de rubis et dâĂ©meraudes, volutes serpentines et arabesques sinueuses reflĂštent dans nos contes le goĂ»t pour une dĂ©coration dâintĂ©rieur luxueuse et intime, qui sâaccorde avec un esprit galant placĂ© de plus en plus sous le signe de lâhĂ©donisme. FraĂźcheur et grĂące ingĂ©nieuse, volontiers teintĂ©es dâun Ă©rotisme dĂ©licat, sont autant de caractĂšres quâon retrouve, transposĂ©s, dans lâesthĂ©tique des contes de fĂ©es, qui sont comme des copies embellies, exubĂ©rantes et prolifĂ©rantes, des mobiliers et des dĂ©cors du temps. Notre corpus ne retient pas les extraordinaires âgirandolesâ de âLa Chatte blancheâ, chandeliers torsadĂ©s ornĂ©s de pendeloques dans le pur goĂ»t rococo ; nĂ©anmoins, nos contes ne manquent pas de nacre, de perles, de lustres, de lumiĂšre, et de mille exemples dâune ornementation superflue constitutive de lâesthĂ©tique rocaille. Cabinet attribuĂ© Ă Pierre Gole 1670, conservĂ© Ă Nostell Priory, et inspirĂ© par le grand Cabinet rĂ©alisĂ© pour Louis XIV, aujourdâhui disparu. Cliquer pour agrandir. âLa richesse des meublesâ âLe Rameau dâorâ, p. 183, dont les tiroirs sont âen cristal de roche gravĂ©, ou dâambre, ou de pierres prĂ©cieusesâ, dĂ©corĂ©s de ânacre de perleâ p. 181 rappellent les marqueteries des Ă©bĂ©nistes du roi travaillant aux Gobelins, AndrĂ©-Charles Boulle 1642-1732 ou Pierre Gole 1620-1684. On doit Ă ce dernier un âgrand cabinetâ que les factures des livraisons Ă la couronne dĂ©crivent en des termes semblables Ă ceux bientĂŽt employĂ©s pour le mobilier des contes de fĂ©es, ainsi ce âfond dâivoire Ă fleurs, oiseaux et papillons de bois de diverses couleursâŠâ5 . Les meubles ne sont pas moins somptueux chez Perrault, en particulier chez la Barbe Bleue, oĂč lâon ne saurait compter âle nombre et la beautĂ© des tapisseries, des lits, des sofas, des cabinets, des guĂ©ridons, des tables et des miroirsâ p. 222. Lâexotique sofa, au sens de canapĂ© dâinspiration orientale, Ă©tait si nouveau Ă lâĂ©poque, que FuretiĂšre ne retient pas cette acception du terme dans son Dictionnaire universel. Dans âLe Rameau dâorâ, câest toute la dĂ©coration intĂ©rieure qui se trouve envahie par un luxe rococo âvestibule tout de porphyreâ, âdegrĂ© dâagate dont la rampe Ă©tait dâorâ, âsalon tout de lapisâ p. 183. Vase milanais en cristal-de-roche, entrĂ© dans la collection du roi avant 1673 et conservĂ© aujourdâhui au musĂ©e du Louvre. Cliquer pour agrandir. Dans âLe Nain Jauneâ, les prĂ©cieux âvases dâor dâun travail merveilleuxâ, voisinant âlâambre grisâ, âle corailâ, et âles perlesâ, ou, dans âLa Chatte blancheâ, les âvases en cristal de rocheâ paraissent sortis tout droit de lâincroyable collection de vases de grand prix que possĂ©dait le Dauphin6 . Reconstitution 3D par le MusĂ©um national dâhistoire naturelle du Diamant bleu. Cliquer pour agrandir. Le âcĆur dâun rubis gros comme un Ćuf dâautrucheâ p. 97 peut avoir Ă©tĂ© inspirĂ© par le âdiamant bleu de la Couronne de Franceâ, venu dâInde, retaillĂ© en forme de cĆur dans les annĂ©es 1670 par le bijoutier Pittau, et qui devait devenir lâun des plus fabuleux joyaux de la couronne de France jusquâĂ sa disparition en 1792. La fourchette, apparue depuis peu sur les tables de la cour, rejoint chez Perrault la cuiller et le couteau dans le palais de la Belle p. 186. ThĂ©iĂšre en porcelaine tendre de Saint-Cloud câest-Ă -dire sans kaolin. Lâobjet reprĂ©sentĂ© date de 1720, mais la manufacture commence Ă produire dĂšs la fin du XVIIe siĂšcle. Cliquer pour agrandir. Il en va de mĂȘme de la porcelaine, alors rare, coĂ»teuse Ă faire venir de Chine, et complexe Ă fabriquer en occident Ă une date oĂč lâon nây incorporait pas encore de kaolin il fallait donc Ă©viter de les briser par maladresse, comme la princesse de âRiquet Ă la houppeâ, qui ânâeĂ»t pu ranger quatre porcelaines sur le bord dâune cheminĂ©e sans en casser uneâ p. 276. Les contes reflĂštent ainsi la pullulation » contemporaine des menus objets bibelots venus de Chine, porcelaines dĂ©coratives, bonbonniĂšres, tabatiĂšres miniatures. »7 . La porcelaine, dont le secret sera bientĂŽt percĂ© en Europe, est appelĂ©e Ă prolifĂ©rer encore bien davantage dans la féérie du XVIIIe siĂšcle âLâorigine des Pagodesâ, conte de 1731, raconte ainsi lâhistoire dâun prince mĂ©tamorphosĂ© en pot Ă thĂ©. Les grands miroirs, dont nous parlions Ă la fin du billet prĂ©cĂ©dent, constituent la piĂšce rococo par excellence, surtout lorsquâils sont finement dĂ©corĂ©s, comme ceux de la Barbe bleue, oĂč lâon trouve des miroirs oĂč lâon se voyait depuis les pieds jusquâĂ la tĂȘte, et dont les bordures, les unes de glace, les autres dâargent et de vermeil dorĂ©, Ă©taient les plus belles et les plus magnifiques quâon eĂ»t jamais vues. p. 220 Les motifs floraux constituent un autre Ă©lĂ©ment trĂšs prĂ©sent dans la dĂ©coration rococo, qui se plaĂźt aux motifs vĂ©gĂ©taux exubĂ©rants, comme ces âfeuilles dâĂ©meraudeâ sur la couronne de Gracieuse p. 52. Plus gĂ©nĂ©ralement, câest la nature tout entiĂšre qui sâartificialise et devient dĂ©coration rococo rien de moins naturelle que la vĂ©gĂ©tation des contes. Les plantes nây sont que des bibelots en forme de vĂ©gĂ©taux, ainsi dans âLe rameau dâorâ, oĂč le rameau apparaĂźt tout chargĂ© de rubis qui formaient des cerises » p. 184 et de nouveau p. 211. Lorsque Grillon, Sauterelle et Souris parviennent au rameau enchantĂ©, ils dĂ©couvrent un jardin artificiel et minĂ©ral, dont les fleurs sont de pierres prĂ©cieuses, et dans lesquels lâon reconnaĂźt le goĂ»t du rococo pour la minĂ©ralisation des motifs naturels ». Ils arrivĂšrent ainsi au Rameau dâOr. Il Ă©tait plantĂ© au milieu dâun jardin merveilleux ; au lieu de sable, les allĂ©es Ă©taient remplies de petites perles orientales plus rondes que des pois ; les roses Ă©taient de diamants incarnats, et les feuilles dâĂ©meraudes, les fleurs des grenades, de grenats ; les soucis, de topazes les jonquilles, de brillants jaunes ; les violettes, de saphirs les bluets, de turquoises ; les tulipes, dâamĂ©thystes, opales et diamants p. 210 Les animaux nâont pas plus de rĂ©alitĂ© biologique dans cette nature factice le papillon, animal rococo qui figurera bientĂŽt sur les tentures de Chantilly8 , nâest quâun matĂ©riau dĂ©coratif entre les mains des artistes habiles ainsi les tailleurs et couturiĂšres qui confectionnent la tenue de PrintaniĂšre, vĂȘtue dâune âjupe dâailes de papillons dâun travail merveilleuxâ. Le motif rĂ©apparaĂźt ailleurs dans le corpus, ainsi dans âLa Chatte blancheâ, le plus rococo des contes de Madame dâAulnoy, oĂč les ailes dĂ©licates servent Ă la dĂ©coration du palais, et qui constituent comme des fleurs superlatives, selon un procĂ©dĂ© qui sâapparente Ă ces mĂ©taphores au carrĂ© dĂ©crites par Jean Rousset dans CircĂ© et le paon9 tout Ă©tait tapissĂ© dâailes de papillon, dont les diverses couleurs formaient mille fleurs diffĂ©rentes ». De mĂȘme, dans Le Prince Marcassin », le gazon naturel sur lequel la princesse pense ĂȘtre couchĂ©e est-il en fait un matelas ce lit qui vous paraĂźt de mousse est dâexcellent duvet et de fine laine ». Chez Madame dâAulnoy, lâart imite la nature, et non lâinverse, comme le montrent les bouquets de pierreries qui imitaient la couleur des fleurs », offertes par lâOiseau bleu Ă Florine p. 109. La nature dans les contes nâentretient en rien un rapport mimĂ©tique avec lâhumble rĂ©alitĂ© des champs et des bois elle nâest quâun dĂ©cor factice en style rocaille, qui a pour effet de transformer le conte tout entier en objet dâart dĂ©coratif. Le rococo nâest pas seulement un cadre dans lequel sâinsĂšre une narration il existe un rapport dâhomologie entre style dĂ©coratif et esthĂ©tique des contes, bien remarquĂ© par Raymonde Robert10 , perceptible par exemple dans les longues descriptions inutiles Ă lâaction, sans rĂ©elle fonction narrative, et qui sont lâĂ©quivalent littĂ©raire des surcharges dĂ©coratives des architectures rocaille, purement ornementales et qui ne visent quâau pur plaisir. Prolongements Raymonde Robert, âDĂ©cor de la fĂ©erie, fĂ©erie du dĂ©corâ, in Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 371-388. Kim Gladu FĂ©erie du dĂ©cor », in La grandeur des petits genres. LâesthĂ©tique rococo Ă lâĂąge de la galanterie, sous la direction de Kim Gladu, Hermann, 2019, p. 213-229, URL Pour une discussion rĂ©cente sur la pertinence de la notion de ârococoâ, voir Floriane DaguisĂ©, âLe rococo une coquille vide ? Pertinence et impertinence dâune construction historiographiqueâ, en ligne sur le carnet du âSĂ©minaire XVIIâ Voir le chapitre que Raymonde Robert consacre Ă cette question dans son Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 379 sqq. [â©] Gladu Kim, La grandeur des petits genres. LâesthĂ©tique rococo Ă lâĂąge de la galanterie. Hermann, Les collections de la RĂ©publique des Lettres », 2019. [â©] Kim Gladu, ibid., âFĂ©erie du dĂ©corâ [â©] Jean Starobinski, LâInvention de la libertĂ©, Skira, 1964 p. 23; reparu chez Gallimard. [â©] ThĂ©odor Herman Lunsingh Scheurleer, Pierre Gole, Ă©bĂ©niste de Louis XIV, Editions Faton, 2005. [â©] Voir StĂ©phane Castelluccio, âLa collection de vases en pierres dures du Grand Dauphinâ, Versalia. Revue de la SociĂ©tĂ© des Amis de Versailles, 2001, 4, p. 38-59. [â©] Jean Starobinski, LâInvention de la libertĂ©, Skira, REF, p. 23. [â©] Voir Kim Gladu, ibid. [â©] J. Rousset, CircĂ© et le paon. La littĂ©rature baroque en France, Paris, J. Corti, 1954. [â©] Le Conte de fĂ©es littĂ©raire en France, op. cit., p. 376. [â©] Pendant longtemps, les cercles littĂ©raires du XVIIe siĂšcle nâeurent pas bonne presse les PrĂ©cieuses Ă©taient nĂ©cessairement ridicules. Lagarde et Michard se montrent certes assez neutres et mĂȘme laudatifs lorsquâils Ă©voquent la Chambre bleue de Madame de Rambouillet, mais les autres salons, de la fin du XVIe jusquâaux annĂ©es 1660, leur paraissent surtout sâabandonner âaux excĂšs de la PrĂ©ciositĂ© la plus ridiculeâ1 . Le cĂ©lĂšbre manuel approuve le point de vue trĂšs critique adoptĂ© par MoliĂšre, Boileau et lâabbĂ© de Pure Ă lâencontre des femmes Ă©crivains et de leurs amis2 . Une mise en contexte historique et social ne tourne pas non plus nĂ©cessairement en faveur de nos auteurs et autrices pendant quâune Ă©lite Ă©troite et polie se livrait dans les salons aux extravagances vestimentaires, pratiquait un badinage enjouĂ© et ludique, sâabandonnait aux Ă©lĂ©gances futiles et frivoles, et se ruinait en dĂ©penses somptuaires, âvingt millions de Françaisâ mouraient littĂ©ralement de faim les annĂ©es 1693-1694, au moment mĂȘme oĂč Perrault et Boileau Ă©changeaient des amabilitĂ©s et oĂč les Modernes composaient leurs contes âĂ la modeâ, furent catastrophiques pour les Français qui succombaient au froid, Ă la guerre et Ă la famine3 . Il ne faut donc pas sâĂ©tonner si, pendant longtemps, âPrĂ©ciositĂ©â et esprit salonnard subirent un discrĂ©dit, en particulier Ă lâĂ©poque oĂč les approches marxisantes dominaient la critique littĂ©raire. Au seuil des annĂ©es 1980, Raymonde Robert manifestait encore bien des rĂ©serves lorsquâelle Ă©voquait le monde des contes, nĂ©s selon elle dans un âclimat de coterieâ, et reflet embelli dâaspirations Ă©manant dâun groupe dâaristocrates rĂȘvant de profusion et de richesses. Aujourdâhui, lâesthĂ©tique des salons est réévaluĂ©e on dĂ©couvre, depuis une vingtaine dâannĂ©es, que la mondanitĂ© expĂ©rimentait une forme de sociabilitĂ©, et travaillait Ă lâindĂ©pendance ainsi quâĂ la promotion des femmes, talentueuses et Ă©duquĂ©es. Ces cercles nâĂ©taient pas si fermĂ©s, au contraire, puisquâils Ă©taient prĂ©cisĂ©ment ouverts Ă un public dĂ©pourvu dâĂ©rudition et de formation scolaire. Quant Ă nos contes, loin dâĂȘtre dĂ©crochĂ©s de toute rĂ©alitĂ© concrĂšte, ils proposaient souvent une peinture satirique et critique de leur Ă©poque, et Ćuvraient Ă une modification des rapports entre les genres. Les conteuses et leur public ne sont justement pas de ces PrĂ©cieuses âtoujours tendres et sĂ©rieusesâ [qui] âne veulent ouĂŻr parler que dâaffaires de cĆurâ, ironise Perrault p. 165. Effectivement les conteuses nâavaient rien de prudes effarouchĂ©es Ă la moindre syllabe sale. Certaines menaient une vie dĂ©sordonnĂ©e et scandaleuse Madame dâAulnoy, Ă lâĂ©poque qui nous intĂ©resse, sort Ă peine dâun âconfinementâ conventuel oĂč lâavaient menĂ©e, par ordre du roi, ses crimes et sa passion du jeu. Madame de Murat, libertine et lesbienne, est marginalisĂ©e et bientĂŽt exilĂ©e puis enfermĂ©e. La vie de Mademoiselle de LhĂ©ritier est plus rangĂ©e, mais câest peut-ĂȘtre aussi quâelle nâest pas bien riche, et ne vit que grĂące Ă la gĂ©nĂ©rositĂ© de quelques protectrices haut placĂ©es, comme la duchesse dâEpernon, dĂ©dicataire des Enchantements de lâĂ©loquence. Si les hĂ©roĂŻnes des contes se meuvent avec une aisance apparente dans la culture mondaine, les autrices ne sauraient entretenir quâun rapport dĂ©calĂ© avec cet univers de prestige et de dĂ©pense quâelles nous donnent Ă lire. Nous verrons au cours des prochains billets que, certes, les contes mettent en scĂšne lâunivers curial et mondain, mais que bien des dissonances interdisent dây voir seulement le reflet idĂ©alisĂ© dâune Ă©lite apaisĂ©e et harmonieuse. En outre, nous verrons quâil est difficile de traiter ici conjointement le cas de madame dâAulnoy et celui de Perrault celui-ci, dans certains de ses textes, semble sâĂ©carter de la formule pratiquĂ©e par lâensemble des conteuses de son temps. * Louis XIV dans le rĂŽle dâ de Gissey, Ballet de la nuit, 1653. Mss BibliothĂšque de lâInstitut. Cliquer pour agrandir Les Ćuvres de Madame dâAulnoy sont Ă lâĂ©vidence imprĂ©gnĂ©es de culture galante et aristocratique. Telle est lâune des particularitĂ©s du conte de fĂ©es littĂ©raire français, qui se distingue de ce point de vue des textes populaires, mais aussi de ceux de Straparole et de Basile les rĂ©cits se dĂ©roulent dans un cadre curial raffinĂ© et luxueux, complaisamment dĂ©crit. Les personnages y sont des rois, des reines, de âgrandsâ et de âpetitsâ princes Aulnoy, p. 160, et des princesses toujours les plus belles du monde Perrault, p. 192. La cĂ©lĂšbre formule dâouverture, âil Ă©tait une foisâ ou âil y avait une foisâ, prĂ©tend nous entraĂźner dans un âroyaume de fĂ©erieâ merveilleux ou fantastique. En rĂ©alitĂ©, lâunivers des contes reflĂšte Ă bien des Ă©gards la sociĂ©tĂ© mondaine dans laquelle Ă©voluent autrices et lectrices des contes ils sont des âmiroirs de leur tempsâ, Ă©crit Raymonde Robert, qui insiste sur lâidĂ©alisation de ce cadre curial et mondain. Le dĂ©cor somptueux, les fĂȘtes omniprĂ©sentes renvoient aux divertissements goĂ»tĂ©s par lâĂ©lite Ă la fin du siĂšcle lâon donne dans les contes Ă notre programme des âparties de plaisirsâ Aulnoy, p. 98 ainsi que âbal, ballet et comĂ©dieâ Ă lâaprĂšs-dĂźnĂ©e p. 143, comme lâon faisait chez le roi ou au chĂąteau de Sceaux, ailleurs encore des âcourses de bagueâ dans âLe Prince Marcassinâ par exemple, jeu Ă©questre qui a succĂ©dĂ© au tournoi mĂ©diĂ©val. De mĂȘme dans âLa Barbe bleueâ, oĂč âce nâĂ©tait que promenades, que parties de chasse et de pĂȘche, que danses et festins, que collations on ne dormait point, et on passait toute la nuit Ă se faire des malices les uns aux autresâ p. 220. Dans âLa Belle aux cheveux dâorâ, lâon âsoupe Ă merveilleâ p. 78. On aime les curiositĂ©s Ă©tranges, les animaux rares, colorĂ©s, exotiques, âtoutes sortes de bĂȘtes raresâ p. 167 paons dans âLa Princesse Rosetteâ p. 162, Ă©lĂ©phants p. 140, perroquets p. 68, singes Ă©galement chez Perrault p. 198, mais aussi animaux de compagnie, rĂ©servĂ©s aux plus fortunĂ©s, comme Pouffe Perrault, p. 191 ou FrĂ©tillon Aulnoy, p. 165. Philippe de Champaigne, VanitĂ©. DĂ©tail. Cliquer pour agrandir. Madame dâAulnoy nous en prĂ©vient dĂšs le titre de sa seconde sĂ©rie de publications ses fĂ©es sont âĂ la modeâ nos contes de fĂ©es comportent de nombreuses allusions trĂšs prĂ©cises et concrĂštes aux raffinements de lâexistence dans la haute sociĂ©tĂ©. Le nom mĂȘme de la fĂ©e Tulipe, protectrice de la reine dans âLa Biche au boisâ p. 264, suffit Ă renvoyer Ă cette atmosphĂšre de dĂ©pense, de luxe et de vanitĂ© depuis que la tulipe avait fait lâobjet de spĂ©culations qui avaient dĂ©bouchĂ© sur le premier crash Ă©conomique de lâhistoire moderne 1637, elle Ă©tait dĂ©sormais le symbole des beautĂ© Ă©phĂ©mĂšres, fragiles, et inutiles, prĂ©sent sur nombre de natures mortes, mais figurant aussi Ă ce titre dans le chapitre XIII des CaractĂšres de La BruyĂšre justement consacrĂ© Ă la mode. Les contes apparaissent ainsi greffĂ©s sur une rĂ©alitĂ© dâautant plus insaisissable pour nous que la mode est, par essence, fugitive quelques Ă©claircissements sont nĂ©cessaires. Les tissus et les accessoires vestimentaires sont prĂ©cisĂ©ment documentĂ©s âToile de hollandeâ p. 325, âgarnitureâ et âĂ©pingles dâAngleterreâ Perrault p. 260 et Aulnoy, p 176 sont un luxe quasi inaccessible, au sortir de longues annĂ©es de guerre marquĂ©es par les blocus maritimes. Quant aux âdentellesâ et aux âbas de soieâ, ils ne sont pas rĂ©servĂ©s aux Ă©lĂ©gantes mais portĂ©s aussi par les hommes ; le roi des Mines dâor dĂ©cide mĂȘme pour tromper la FĂ©e du DĂ©sert dâarborer des mouches, rĂ©servĂ©es aux dames coquettes p. 230. Fanfarinet est Ă©galement parĂ© avec une extravagance qui aurait dĂ» inquiĂ©ter la princesse et ses suivantes p. 139. Fanfarinet avait un habit tout en broderie, des perles, des bottes dâor, des plumes incarnates, des rubans partout, et tant de diamants car le roi Merlin en avait des chambres pleines que le soleil brillait moins que lui. p. 139 Dans âLa Belle au bois dormantâ, on recourt pour tenter de rĂ©veiller la princesse Ă âlâeau de la reine de Hongrieâ p. 189, parfum prĂ©cieux Ă base dâalcool, utilisĂ© aussi Ă des fins thĂ©rapeutiques, dont Madame de SĂ©vignĂ© faisait grand usage. La tentetive Ă©choue la technique moderne, pour une fois, Ă©choue ici face aux sortilĂšges de fĂ©es. Les raffinements de la table ne sont pas oubliĂ©s, en ce siĂšcle de Louis XIV qui connut aussi une rĂ©volution culinaire4 si la âsauce Robertâ, Ă la moutarde et aux petits oignons, est plutĂŽt un assaisonnement dâautrefois, dĂ©jĂ connu de Rabelais, le chocolat en revanche, qui tourne la tĂȘte de Fanfarinet, est nouvellement introduit en France p. 142. On trouve aussi, dans âLe Moutonâ, force cafĂ©s, sorbets, limonades, tels quâon les servait depuis peu 1686 au cafĂ© Procope. Un cavalier et une dame buvant du chocolat, Robert Bonnart 1652-1733, BnF, dĂ©partement des Mss. Cliquer pour agrandir. Les uns prenaient du cafĂ©, du sorbet, des glaces, de la limonade, les autres des fraises, de la crĂšme et des confitures les uns jouaient Ă la bassette, dâautres au lansquenet. Madame dâAulnoy, Le Mouton Rosette se rĂ©gale aussi de âconfituresâ, que FrĂ©tillon dĂ©robe au chĂąteau. Il peut sâagir de confiture liquide, ou plus vraisemblablement de fruits confits, quâon appelait âconfitures sĂšchesâ et qui âsâemportent dans la pocheâ FuretiĂšre. Les mĂ©tiers de confiseur et de confiturier Ă©taient Ă la mode on avait publiĂ© un traitĂ© sur la maniĂšre de confire les fruits, en 1689, Le TraitĂ© de confitures, ou le nouveau et parfait confiturier. ââŠLes unes lui apportĂšrent des confitures, les autres du sucreâ La Princesse Rosette, cliquer pour agrandir Quant Ă PrintaniĂšre, elle trouve dans les buissons dâune Ăźle dĂ©serte âdragĂ©esâ et âtartelettesâ en provenance directe du pĂątissier Le Coq p. 152 Ă lâinvraisemblance sâajoute le tĂ©lescopage entre rĂ©cit fĂ©erique censĂ© se dĂ©rouler autrefois, et realia en vogue dans le Paris chic. Ces accessoires dernier cri et autres friandises de luxe crĂ©ent une connivence avec le public mondain lâĂ©lite parisienne des annĂ©es 1690 identifiait aussitĂŽt ces dissonances modernes dans des contes rĂ©putĂ©s anciens et populaires, et manifestaient le triomphe du raffinement et du savoir-vivre national, dans un esprit moderne cĂ©lĂ©brant le progrĂšs et le raffinement des mĆurs, Marie-Anne de BaviĂšre, Grande Dauphine de France 1660-1690, avec ses mouches et sa petite chienne BibliothĂšque nationale de France. Cliquer pour agrandir. De semblables rĂ©fĂ©rences aux boutiques Ă la mode Ă©maillent certains contes de Perrault. Dans âCendrillonâ, Perrault mentionne âla bonne faiseuseâ p. 261 le Livre commode des adresses de Paris pour 1692, sorte de Petit FutĂ© du Paris du Grand SiĂšcle, explicite cette expression âLa bonne faiseuse de mouches demeure rue Saint-Denis Ă la Perle des Mouchesâ5 . Il peut sâagir de la femme Chevalier, grand-mĂšre du financier Samuel Bernard. Vers 1690, la reine Marie dâAngleterre fut elle aussi une fashion victim succombant aux influences françaises elle portait la fontange gravure de John Smith dâaprĂšs Jan van der Vaart. Cliquer pour agrandir. De mĂȘme, la âbonne coiffeuseâ a pu ĂȘtre identifiĂ©e il sâagit dâune âMademoiselle Cochois rue Briboucher prĂšs Saint-Josse [âŠ] fort stylĂ©e aux coiffures de toiles et de dentelles pour damesâ. Les coiffures, dĂ©crites avec attention, renvoient aussi Ă la mode de lâĂ©poque les âcornettes Ă deux rangsâ quâon voit sur la tĂȘte des sĆurs de Cendrillon, sont des âcoiffures Ă©levĂ©esâ en vogue depuis peu de temps, explique dans Le ParallĂšle Perrault lui-mĂȘme. Elles seraient donc assez semblables aux fontanges, sur lesquelles notre conteur a composĂ© une comĂ©die6, et quâon retrouve par exemple sur la tĂȘte de la reine du Nain Jaune aprĂšs son expĂ©dition au dĂ©sert p. 218, ou sur la tĂȘte de Carabosse p. 156 â mais câest ici un âgros crapaud qui servait de fontangeâ. âLa mode en ce temps-là ⊠â les cheveux se portaient longs au dĂ©but de la Renaissance. Lucas Cranach, Princesse Sibylle, 1526, chĂąteau de Weimar. Cliquer pour agrandir Comme Perrault, qui connaĂźt bien âchaperonsâ et âcollets montĂ©sâ p. 195 et 207-211, Madame dâAulnoy nâignore rien des modes dâautrefois elle sait quâĂ la fin du Moyen-Ăge ou au dĂ©but de la Renaissance, lâusage Ă©tait de âlaisser tomberâ les cheveux âsur les Ă©paulesâ, et de les âlaisser flotter au grĂ© du ventâ p. 52, ainsi que lâiconographie nous le confirme. Versailles, pour nâĂȘtre plus dans les annĂ©es 1690 le théùtre permanent des fĂȘtes et des plaisirs quâil Ă©tait au dĂ©but du rĂšgne, nâen fait pas moins lâobjet dâhommages appuyĂ©s dans nos textes la galerie de miroirs de âLa Belle au Bois Dormantâ est inspirĂ© par la galerie des glaces, tandis que le palais du Soleil dans âLa Biche au boisâ rappelle âen petitâ celui du Roi-Soleil p. 241. Les âgrands miroirsâ, si prĂ©sents dans nos contes, dans Cendrillon, dans la Barbe bleue ou chez Madame dâAulnoy dans âLa Chatte blancheâ, oĂč lâon trouve Ă©galement ces grandes glaces depuis le plafond jusquâau parquet. » sont aussi un hommage rendu Ă la supĂ©rioritĂ© technologique de la France comme lâexplique Raymonde Robert jusquâaux annĂ©es 1660, les miroirs, de petite taille, Ă©taient importĂ©s de Murano, Ăźle de Venise consacrĂ©e tout entiĂšre Ă lâart du verre soufflĂ©. DĂ©sormais, grĂące Ă lâinvention du procĂ©dĂ© de verre coulĂ© et Ă la manufacture de Saint-Gobain, créée par Colbert en 1665, les Français sont capables de rĂ©aliser de grands miroirs, performance technique Ă laquelle nos conteurs rendent hommage. La rĂ©alitĂ© lâemporte sur la fiction les ingĂ©nieurs surpassent les prodiges des fĂ©es. On voit ainsi que les rĂ©fĂ©rences Ă lâĂ©poque contemporaine ne sont pas seulement des clins dâĆil Ă destination dâun public averti et complice les allusions Ă la mode et aux prouesses technologiques suggĂšrent, dans le pur esprit âModerneâ, la supĂ©rioritĂ© de la France de Louis XIV, dont la science triomphe, et qui offre Ă qui sait en profiter une vie de luxe et de douceur plus heureuse que celle offerte par les fĂ©es. Lâexploit technique est une merveille authentique, qui autorise celles de la fĂ©erie on se trouve ici en prĂ©sence dâun type de merveilleux que Todorov qualifie dâinstrumental », faite de petits gadgets⊠parfaitement possibles »7. A travers ces Ă©vocations de la mode et des prodiges techniques, câest, dans un esprit parfaitement moderne, lâindustrie du luxe français, tel que Colbert en a Ă©tĂ© lâinitiateur, dont nos contes de fĂ©es sont le reflet merveilleux et embelli. Nous constatons une fois de plus que les contes sont une cĂ©lĂ©bration concertĂ©e de la politique royale, destinĂ©e Ă assurer Ă la France prestige et rayonnement. Le miroir est aussi lâun des accessoires caractĂ©ristiques du style dĂ©coratif naissant Ă la fin du XVIIe siĂšcle, le rococo8 , qui fera lâobjet de notre prochain billet. âIls passĂšrent dans un salon de miroirsâŠâ La Belle au bois dormand. Grande Galerie du chĂąteau de Versailles. Cliquer pour agrandir AndrĂ© Lagarde et Laurent Michard, XVIIe siĂšcle. Les grands auteurs français du programme, Bordas, 1967, p. 55. [â©] LâAbbĂ© de Pure avait Ă©crit La PrĂ©cieuse ou le MystĂšre de la Ruelle. Voir lâĂ©dition Ă©tablie, prĂ©sentĂ©e et commentĂ©e par Myriam Dufour-MaĂźtre, Paris, HonorĂ© Champion, 2010. Sur ce personnage, voir aussi le rĂ©cent ouvrage Michel de Pure 1620-1680. AbbĂ© polygraphe et galant, sous la direction de Myriam Dufour-MaĂźtre, Paris, Classiques Garnier, coll. Masculin/fĂ©minin dans lâEurope moderne, 2021. [â©] Voir le livre, un peu ancien mais toujours aussi Ă©loquent, inspirĂ© par lâĂ©cole des Annales Pierre Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français, Fayard, coll. Pluriel, 1re Ă©dition en 1965, nouvelle Ă©dition 1991, rééditĂ© en 2010, 4e partie, chap. 1, §4, â1993-1994 La Grande Famine.â [â©] François Pierre de La Varenne publie en 1651 Le Cuisinier français, premier livre de cuisine moderne oĂč lâon voit lâancienne gastronomie mĂ©diĂ©vale, privilĂ©giant les Ă©pices et le sucrĂ©-salĂ©, cĂ©der la place Ă des prĂ©parations plus dĂ©licates aux fines herbes. [â©] Nicolas de Blegny [Abraham du Pradel], Le Livre commode des adresses de Paris pour 1692, Ă©d. Ădouard Fournier, Paris, P. Daffis, 1878, p. 76. [â©] Les Fontanges, mss de 1690 publiĂ© par Victor Fournel dans son recueil des Petites comĂ©dies rares et curieuses du XVIIe siĂšcle, Paris, A. Quantin, 1884, t. 1, vol. 2, p. 257-290, URL [â©] Tzvetan Todorov, Introduction Ă la littĂ©rature fantastique, Points Seuil, 1970. [â©] Auguste Schmarsow 1853-1936, dans Baroque et Rococo 1897, considĂ©rait le goĂ»t de lâĂ©clat et du brillant des miroirs comme une des principales caractĂ©ristiques du rococo. [â©] Navigation des articles Les contes de fĂ©es littĂ©raires français Ă la fin du XVIIe siĂšcle 1690-1700
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Etvoici Miss Beautyblue avec sa robe en perles à volants : canalblog est en Guerre Une Blogopote t'attaqueUne guerre des bisous est déclarée sur la blogosphÚre.Te voilà bisouillée!A ton tour de faire suivre à tes "Blogopotes"Si tu le reçois 1x en retour : Ouvre-toi !
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